Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année IX — Octobre 1866.

(Langue portugaise)

LE ZOUAVE GUÉRISSEUR DU CAMP DE CHÂLONS.

[Suite. Revue d’octobre 1867.]

11. LE ZOUAVE JACOB.

La faculté guérissante étant à l’ordre du jour, on ne sera pas surpris que nous y ayons consacré la plus grande partie de ce numéro, et assurément nous sommes loin d’avoir épuisé le sujet ; c’est pourquoi nous y reviendrons.

Pour fixer tout d’abord les idées d’un grand nombre de personnes intéressées dans la question relative à M. Jacob, et qui nous ont écrit ou pourraient nous écrire à son sujet, nous disons :

1º Que les séances de M. Jacob sont suspendues ; qu’ainsi il serait inutile de se présenter au lieu où il les tenait, rue de la Roquette,  †  80, et qu’il ne les a, jusqu’à présent, reprises nulle part. Le motif a été l’encombrement excessif qui gênait la circulation dans une rue très fréquentée et dans une impasse occupée par un grand nombre d’industriels qui se trouvaient empêchés dans leurs affaires, ne pouvant ni recevoir les clients, ni expédier leurs marchandises. En ce moment M. Jacob n’a de séances ni publiques ni particulières.

2º Vu l’affluence, chacun devant attendre son tour assez longtemps, à ceux qui nous ont demandé, ou voudraient nous demander à l’avenir si, connaissant personnellement M. Jacob, sur notre recommandation ils pourraient obtenir un tour de faveur, nous dirons que nous ne l’avons jamais demandé et que nous ne le demanderions jamais, sachant que ce serait inutile. Si des tours de faveur eussent été accordés, c’eût été au préjudice de ceux qui attendent, et cela n’eût pas manqué de soulever des réclamations fondées. M. Jacob n’a fait d’exception pour personne ; le riche devait attendre comme le malheureux, parce qu’en définitive le malheureux souffre autant que le riche ; il n’a pas, comme celui-ci, le confortable pour compensation, et de plus, souvent il attend la santé pour avoir de quoi vivre. Nous en félicitons M. Jacob, et s’il n’eût pas agi ainsi, nous n’aurions pas fait, en sollicitant une faveur, une chose que nous aurions blâmée en lui.

3º Aux malades qui nous ont demandé, ou pourraient nous demander, si nous leur conseillons de faire le voyage de Paris,  †  nous disons : M. Jacob ne guérit pas tout le monde, ainsi qu’il le déclare lui-même ; il ne sait jamais d’avance s’il guérira ou non un malade ; ce n’est que lorsqu’il est en sa présence qu’il juge de l’action fluidique, et voit le résultat ; c’est pourquoi il ne promet jamais rien et ne répond de rien. Engager quelqu’un à faire le voyage de Paris, ce serait prendre une responsabilité sans certitude de succès. C’est donc une chance à courir, et si l’on n’obtient pas de résultat, on en est quitte pour ses frais de voyage, tandis qu’on dépense souvent en consultations des sommes énormes sans plus de réussite. Si l’on n’est pas guéri, on ne peut pas dire qu’on a payé des soins en pure perte.

4º A ceux qui nous demandent si, en indemnisant M. Jacob de ses frais de voyage, puisqu’il ne veut point accepter d’honoraires, il consentirait à se rendre dans telle ou telle localité pour soigner un malade, nous répondons : M. Jacob ne se rend point aux invitations de ce genre, par les raisons qui sont développées ci-dessus. Ne pouvant répondre d’avance du résultat, il regarderait comme une indélicatesse d’induire en dépense sans certitude ; et en cas de non-réussite, ce serait donner prise à la critique.

5º A ceux qui écrivent à M. Jacob, ou qui nous envoient des lettres pour les lui faire parvenir, nous disons : M. Jacob a chez lui une armoire pleine de lettres qu’il ne lit pas, et il ne répond à personne. Que pourrait-il dire, en effet ? Il ne guérit point d’ailleurs par correspondance.

Faire des phrases ? ce n’est pas son genre ; dire si telle maladie est guérissable par lui ? il n’en sait rien ; de ce qu’il a guéri une personne de telle maladie, il ne s’ensuit pas qu’il guérisse la même maladie chez une autre personne, parce que les conditions fluidiques ne sont plus les mêmes ; indiquer un traitement ? il n’est pas médecin, et il se garderait bien de donner cette arme contre lui.

Lui écrire est donc peine inutile. La seule chose à faire, dans le cas où il reprendrait ses séances, que l’on a à tort qualifiées de consultations, puisqu’on ne le consulte pas, c’est de s’y présenter comme le premier venu, de prendre son rang, d’attendre patiemment et d’en courir la chance. Si l’on n’est pas guéri, on ne peut se plaindre d’avoir été trompé, puisqu’il ne promet rien.

Il y a des sources qui ont la propriété de guérir certaines maladies ; on s’y rend ; les uns s’en trouvent bien, d’autres ne sont que soulagés, d’autres enfin n’en éprouvent rien du tout. Il faut considérer M. Jacob comme une source de fluides salutaires, à l’influence desquels on va se soumettre, mais qui n’étant pas une panacée universelle, ne guérit pas tous les maux, et peut être plus ou moins efficace, selon les conditions du malade.

Mais enfin, y a-t-il eu des guérisons ? Un fait répond à cette question :

Si personne n’avait été guéri, la foule ne s’y serait pas portée comme elle l’a fait.

Mais la foule crédule ne peut-elle avoir été abusée par de fausses apparences, et s’y rendre sur la foi d’une réputation usurpée ? Des compères ne peuvent-ils avoir simulé des maladies pour avoir l’air d’être guéris  ?

Cela s’est vu sans doute, et se voit tous les jours, quand des compères ont intérêt à jouer la comédie. Or, ici, quel profit en auraient-ils tiré ?

Qui les aurait payés ? Ce n’est pas assurément M. Jacob sur sa paye de musicien des zouaves ; ce n’est pas non plus en leur faisant une remise sur le prix de ses consultations, puisqu’il ne recevait rien. On comprend que celui qui veut se faire une clientèle à tout prix emploie de pareils moyens ; mais M. Jacob n’avait aucun intérêt à attirer la foule à lui ; il ne l’a pas appelée, c’est elle qui est venu à lui, et l’on peut dire malgré lui. S’il n’y avait pas eu des faits, personne ne serait venu, puisqu’il n’appelait personne. Les journaux ont sans doute contribué à augmenter le nombre des visiteurs, mais ils n’en ont parlé que parce que la foule existait déjà, sans cela ils n’en auraient rien dit, M. Jacob ne les ayant pas priés de parler de lui, ni payés pour lui faire de la réclame. Il faut donc écarter toute idée de subterfuges qui n’auraient eu aucune raison d’être dans la circonstance dont il s’agit.

Pour apprécier les actes d’un individu, il faut chercher l’intérêt qui peut le solliciter dans sa manière d’agir ; or, il est avéré qu’il n’y en avait aucun de la part de M. Jacob ; qu’il n’y en avait pas davantage pour M. Dufayet, qui donnait son local gratuitement, et mettait ses ouvriers au service des malades, pour monter les infirmes, et cela au préjudice de ses propres intérêts ; enfin que des compères n’avaient rien à gagner.

Les guérisons opérées par M. Jacob en ces derniers temps étant dans le même genre que celles qu’il a obtenues l’année dernière au camp de Châlons,  †  et les faits s’étant passés à peu près de la même manière, seulement sur une plus grande échelle, nous renvoyons nos lecteurs aux comptes rendus et aux appréciations que nous en avons donnés dans la Revue d’octobre et de novembre 1866. Quant aux incidents particuliers de cette année, nous ne pourrions que répéter ce que tout le monde a su par la voie des journaux. Nous nous bornerons donc, quant à présent, à quelques considérations générales sur le fait en lui-même.

Il y a environ deux ans, les Esprits nous avaient annoncé que la médiumnité guérissante prendrait de grands développements, et serait un puissant moyen de propagation pour le Spiritisme. Jusque-là il n’y avait eu que des guérisseurs opérant pour ainsi dire dans l’intimité et sans bruit. Nous dîmes aux Esprits que, pour que la propagation fût plus rapide, il faudrait qu’il en surgît d’assez puissants pour que les guérisons eussent du retentissement dans le public. – Cela aura lieu, nous fut-il répondu, et il y en aura plus d’un.

Cette prévision a eu un commencement de réalisation l’année dernière au camp de Châlons, et Dieu sait si le retentissement a manqué cette année aux guérisons de la rue de la Roquette, non-seulement en France, mais à l’étranger.


12. — L’émotion générale que ces faits ont causée est justifiée par la gravité des questions qu’ils soulèvent. Il ne faut pas s’y tromper, ce n’est pas ici un de ces événements de simple curiosité qui passionnent un moment la foule avide de nouveautés et de distractions. On ne se distrait pas au spectacle des misères humaines ; la vue de ces milliers de malades courant après la santé qu’ils n’ont pu trouver dans les ressources de la science, n’a rien de réjouissant, et fait faire de sérieuses réflexions.

Oui, il y a ici autre chose qu’un phénomène vulgaire. On s’étonne sans doute de guérisons obtenues dans des conditions si exceptionnelles qu’elles semblent tenir du prodige ; mais ce qui impressionne plus encore que le fait matériel, c’est qu’on y pressent la révélation d’un principe nouveau dont les conséquences sont incalculables, d’une de ces lois longtemps restées voilées dans le sanctuaire de la nature, qui, à leur apparition, changent le cours des idées et modifient profondément les croyances.

Une secrète intuition dit que si les faits en question sont réels, c’est plus qu’un changement dans les habitudes, plus qu’un déplacement d’industrie : c’est un élément nouveau introduit dans la société, un nouvel ordre d’idées qui s’établit.

Bien que les événements du camp de Châlons aient préparé à ce qui vient de se passer, par suite de l’inactivité de M. Jacob pendant un an, on les avait presque oubliés ; l’émotion s’était calmée ; lorsque, tout à coup, les mêmes faits éclatent au sein de la capitale, et prennent subitement des proportions inouïes. On s’est pour ainsi dire réveillé comme au lendemain d’une révolution, et l’on ne s’abordait qu’en se demandant :

Savez-vous ce qui se passe rue de la Roquette ? Avez-vous des nouvelles ? On se passait les journaux comme s’il s’était agi d’un grand événement. En quarante-huit heures, la France entière en fut instruite.

Il y a dans cette instantanéité quelque chose de remarquable et de plus important qu’on ne croit.

L’impression du premier moment a été celle de la stupeur : personne n’a ri. La presse facétieuse elle-même a simplement relaté les faits et les ouï-dire sans commentaires ; chaque jour elle en donnait le bulletin, sans se prononcer ni pour ni contre, et l’on a pu remarquer que la plupart des articles n’étaient point faits sur le ton de la raillerie ; ils exprimaient le doute, l’incertitude sur la réalité de faits aussi étranges, mais en penchant plutôt vers l’affirmation que vers la négation. C’est que le sujet, par lui-même, était sérieux ; il s’agissait de la souffrance, et la souffrance a quelque chose de sacré qui impose le respect ; en pareil cas la plaisanterie serait déplacée et universellement réprouvée.

On ne vit jamais la verve railleuse s’exercer devant un hôpital, même de fous, ou un convoi de blessés. Des hommes de cœur et de sens ne pouvaient manquer de comprendre que, dans une chose qui touche à une question d’humanité, la moquerie eût été malséante, car c’eût été insulter à la douleur. Aussi est-ce avec un sentiment pénible et une sorte de dégoût qu’on voit aujourd’hui le spectacle de ces malheureux infirmes reproduit grotesquement sur les tréteaux, et traduit en chansons burlesques. En admettant de leur part une crédulité puérile et une espérance mal fondée, ce n’est pas une raison pour manquer au respect que l’on doit à la souffrance.

En présence d’un tel retentissement, la dénégation absolue était difficile ; le doute seul est permis à celui qui ne sait pas ou qui n’a pas vu ; parmi les incrédules de bonne foi et par ignorance, beaucoup ont compris qu’il y aurait imprudence à s’inscrire prématurément en faux contre des faits qui pouvaient un jour ou l’autre recevoir une consécration et leur consécration et leur donner un démenti. Sans donc rien nier ni affirmer, la presse s’est généralement bornée à consigner l’état des choses, laissant à l’expérience le soin de les confirmer ou de les démentir, et surtout de les expliquer ; c’était le parti le plus sage.

Le premier moment de surprise passé, les adversaires obstinés de toute chose nouvelle qui contrarie leurs idées, un instant abasourdis par la violence de l’irruption, ont pris courage, quand ils ont vu surtout que le zouave était patient et d’humeur pacifique ; ils ont commencé l’attaque, et engagé contre lui une charge à fond de train avec les armes habituelles de ceux qui n’ont pas de bonnes raisons à opposer : la raillerie et la calomnie à outrance ; mais leur polémique acrimonieuse décèle la colère et un embarras évident, et leurs arguments qui, pour la plupart, portent à faux et sur des allégations notoirement inexactes, ne sont pas de ceux qui convainquent, car ils se réfutent par eux-mêmes.

Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas ici d’une question de personne ; que M. Jacob succombe ou non dans la lutte, c’est une question de principes qui est en jeu, qui est posée avec un immense retentissement, et qui suivra son cours. Elle remet en mémoire les innombrables faits du même genre dont l’histoire fait mention, et qui se multiplient de nos jours. Si c’est une vérité, elle n’est pas incarnée dans un homme, et rien ne saurait l’étouffer ; la violence même des attaques prouve qu’on a peur que ce ne soit une vérité.

En cette circonstance, ceux qui témoignent le moins de surprise et s’émeuvent le moins, ce sont les Spirites, par la raison que ces sortes de faits n’ont rien dont ils ne se rendent parfaitement compte ; connaissant la cause, ils ne s’étonnent pas de l’effet.

Quant à ceux qui ne connaissent ni la cause du phénomène ni la loi qui le régit, ils se demandent naturellement si c’est une illusion ou une réalité ; si M. Jacob est un charlatan ; s’il guérit réellement toutes les maladies ; s’il est doué d’un pouvoir surnaturel et de qui il le tient ; si nous sommes revenus au temps des miracles ? En voyant la foule qui l’assiège et le suit, comme jadis celle qui suivait Jésus en Galilée,  †  quelques-uns se demandent même s’il ne serait pas le Christ réincarné, tandis que d’autres prétendent que sa faculté est un présent du diable.

Toutes ces questions sont depuis longtemps résolues pour les Spirites qui en ont la solution dans les principes de la doctrine. Néanmoins, comme il en peut sortir plusieurs enseignements importants, nous les examinerons dans un prochain article, dans lequel nous ferons également ressortir l’inconséquence de certaines critiques.


[Revue de novembre 1867.]

13. LE ZOUAVE JACOB.

(Deuxième article, voir le numéro d’octobre).

M. Jacob est-il un charlatan ? Son désintéressement matériel est un fait constant, et peut-être un de ceux qui ont le plus désorienté la critique. Comment accuser de charlatanisme un homme qui ne demande rien et qui ne veut rien, pas même de remerciements ?

Quel serait donc son mobile ? L’amour-propre, dit-on. Le désintéressement moral absolu étant le sublime de l’abnégation, il faudrait avoir la vertu des anges pour ne pas éprouver une certaine satisfaction quand on voit la foule se presser subitement autour de soi, alors que la veille on était inconnu. Or, comme M. Jacob n’a pas, les prétentions d’être un ange, en supposant, ce que nous ignorons, qu’il se soit un peu exalté son importance à ses propres yeux, on ne pourrait lui en faire un grand crime, et cela ne détruirait pas les faits s’il y en a. Nous aimons à croire que ceux qui lui imputent ce travers sont trop au-dessus des choses terrestres pour avoir, sous ce rapport, le moindre reproche à se faire.

Mais dans tous les cas, ce sentiment ne pouvait être que consécutif et non préconçu. Si M. Jacob eût prémédité le dessein de populariser en se donnant pour guérisseur émérite sans pouvoir prouver autre chose que son impuissance, au lieu d’applaudissements, il n’aurait recueilli dès le premier jour que des huées, ce qui n’aurait pas été très flatteur pour lui.

Pour s’enorgueillir de quelque chose il faut une cause préexistante ; il fallait donc qu’il guérît avant d’en tirer vanité.

Il voulait, ajoute-t-on, faire parler de lui, soit ; si tel a été son but, il faut convenir que, grâce à la presse, il a été servi à souhait. Mais quel est le journal qui peut dire que M. Jacob ait été quêter la moindre réclame, le plus petit article, qu’il ait payé une seule ligne ! A-t-il été voir un seul journaliste ? Non, ce sont les journalistes qui sont allés à lui, et qui n’ont pas toujours pu le voir facilement. La presse a parlé spontanément de lui quand elle a vu la foule, et la foule n’est venue que quand il y a eu des faits. A-t-il été faire sa cour aux grands personnages ? S’est-il montré pour eux plus accessible, plus empressé, plus prévenant ? Tout le monde sait qu’il a poussé, sous ce rapport, le rigorisme jusqu’à l’excès. Son amour-propre, cependant, eût trouvé plus d’éléments de satisfaction dans le grand monde, que chez d’obscurs indigents.

Il faut donc logiquement écarter toute imputation d’intrigue et de charlatanisme.


14. — Guérit-il toutes les maladies ? Non-seulement il ne les guérit pas toutes, mais de deux individus atteints du même mal, souvent il guérira l’un et ne fera rien sur l’autre. Il ne sait jamais d’avance s’il guérira un malade, voilà pourquoi il ne promet jamais rien ; or on sait que les charlatans ne sont pas avares de promesses. La guérison tient à des affinités fluidiques qui se manifestent instantanément, comme une secousse électrique, et qui ne peuvent être préjugées.

Est-il doué d’un pouvoir surnaturel ? Sommes-nous revenus au temps des miracles ? Interrogez-le lui-même, et il vous répondra qu’il n’y a dans ces guérisons rien de surnaturel ni de miraculeux ; qu’il est doué d’une puissance fluidique indépendante de sa volonté qui se manifeste avec plus ou moins d’énergie selon les circonstances et le milieu où il se trouve ; que le fluide qu’il émet guérit certaines maladies chez certaines personnes, sans qu’il sache ni pourquoi ni comment.

Quant à ceux qui prétendent que cette faculté est un présent du diable, on peut leur répondre que, puisqu’elle ne s’exerce que pour le bien, il faut admettre que le diable a des bons moments dont on fait bien de profiter.

On peut aussi leur demander quelle différence il y a entre les guérisons du prince de Hohenlohe et celles du zouave Jacob, pour que les unes soient réputées saintes et miraculeuses, et les autres diaboliques ? Passons sur cette question qui ne peut être prise au sérieux dans ce temps-ci.

La question de charlatanisme préjugeait toutes les autres, c’est pourquoi nous y avons insisté ; cette question étant écartée, voyons quelles conclusions on peut tirer de l’observation.

M. Jacob a guéri instantanément des maladies réputées incurables, c’est un fait positif. La question du nombre des malades guéris est ici secondaire ; n’y en eût-il qu’un sur cent, le fait n’en subsisterait pas moins ; or ce fait a une cause.

La faculté guérissante portée à ce degré de puissance, se trouvant chez un soldat qui, tout honnête homme qu’il soit, n’a ni le caractère, ni les habitudes, ni le langage, ni les allures des saints ; exercée en dehors de toute forme ou appareil mystique, dans les conditions les plus vulgaires et les plus prosaïques ; se trouvant d’ailleurs à différents degrés chez une foule d’autres personnes, chez des hérétiques comme les Musulmans, les Indous, les Boudhistes, etc., exclue l’idée de miracles dans le sens liturgique du mot. C’est donc une faculté inhérente à l’individu ; et puisqu’elle n’est pas un fait isolé, c’est qu’elle dépend d’une loi comme tout effet naturel.


15. — La guérison est obtenue sans l’emploi d’aucun médicament, donc elle est due à une influence occulte ; et attendu qu’il s’agit d’un résultat effectif, matériel, et que rien ne peut produire quelque chose, il faut que cette influence soit quelque chose de matériel ; ce ne peut donc être qu’un fluide matériel, quoique impalpable et invisible. M. Jacob ne touchant pas le malade, ne faisant même aucune passe magnétique, le fluide ne peut avoir pour moteur et propulseur que la volonté ; or, la volonté n’étant pas un attribut de la matière, ne peut émaner que de l’esprit ; c’est donc le fluide qui agit sans l’impulsion de l’esprit.  n La plupart des maladies guéries par ce moyen étant de celles contre lesquelles la science est impuissante, il y a donc des agents curatifs plus puissants que ceux de la médecine ordinaire ; ces phénomènes sont, par conséquent, la révélation de lois inconnues de la science ; en présence de faits patents il est plus prudent de douter que de nier. Telles sont les conclusions auxquelles arrive forcément tout observateur impartial.

Quelle est la nature de ce fluide ? Est-ce de l’électricité ou du magnétisme ? Il y a probablement l’un et l’autre, et peut-être quelque chose de plus ; c’en est, dans tous les cas, une modification, puisque les effets sont différents. L’action magnétique est évidente, quoique plus puissante que celle du magnétisme ordinaire, dont ces faits sont la confirmation, et en même temps la preuve qu’il n’a pas dit son dernier mot.

Il n’entre pas dans le cadre de cet article d’expliquer le mode d’action de cet agent curatif, déjà décrit dans la théorie de la médiumnité guérissante ; il suffit d’avoir démontré que l’examen des faits conduit à reconnaître l’existence d’un principe nouveau, et que ce principe, quelque étranges qu’en soient les effets, ne sort pas du domaine des lois naturelles.

Dans les faits concernant M. Jacob, il n’a pour ainsi dire pas été fait mention du Spiritisme, tandis que toute l’attention s’est concentrée sur le magnétisme ; cela avait sa raison d’être et son utilité. Bien que le concours d’Esprits désincarnés dans ces sortes de phénomènes soit un fait constaté, leur action n’est pas ici évidente, c’est pourquoi nous en faisons abstraction. Peu importe que les faits soient expliqués avec ou sans l’intervention d’Esprits étrangers ; le magnétisme et le Spiritisme se donnent la main ; ce sont deux parties d’un même tout, deux branches d’une même science qui se complètent et s’expliquent l’une par l’autre. Accréditer le magnétisme, c’est ouvrir la voie au Spiritisme, et réciproquement.


16. — La critique n’a pas épargné M. Jacob ; à défaut de bonnes raisons, elle lui a, comme d’habitude, prodigué la raillerie et les injures grossières, ce dont il ne s’est pas ému le moins du monde ; il a méprisé les unes et les autres, et les gens sensés lui ont su gré de sa modération.

Quelques-uns ont été jusqu’à solliciter son incarcération comme imposteur abusant de la crédulité publique ; mais un imposteur est celui qui promet et ne tient pas ; or, comme M. Jacob n’a jamais rien promis, personne ne peut se plaindre d’avoir été abusé. Que pouvait-on lui reprocher ? En quoi était-il en contravention légale ? Il n’exerçait pas la médecine, pas même ostensiblement le magnétisme. Quelle est la loi qui défend de guérir les gens en les regardant ?

On lui a fait un grief de ce que la foule des malades qui venaient à lui gênait la circulation ; mais est-ce lui qui a appelé la foule ? L’a-t-il convoquée par des annonces ? Quel est le médecin qui se plaindrait s’il en avait une pareille à sa porte ? Et si l’un d’eux avait cette bonne fortune, même au prix d’annonces chèrement payées, que dirait-il si on voulait l’inquiéter pour ce fait ? On a dit qu’à quinze cents personnes par jour pendant un mois, cela faisait quarante-cinq mille malades qui s’étaient présentés, et qu’à ce compte, s’il les avait guéris, il ne devrait plus y avoir de boiteux ni d’estropiés dans les rues de Paris.  †  Il serait superflu de relever cette singulière objection, mais nous dirons que plus on grossit le nombre des malades qui, guéris ou non, se pressaient dans l’impasse de la rue de la Roquette,  †  plus on prouve combien est grand le nombre de ceux que la médecine ne peut guérir, car il est évident que si ces malades avaient été guéris par les médecins, ils ne seraient pas venus à M. Jacob.

Comme, malgré les dénégations, il y avait des faits patents de guérisons extraordinaires, on a voulu les expliquer en disant que M. Jacob agissait, par la brusquerie même de ses paroles, sur l’imagination des malades ; soit, mais alors si vous reconnaissez à l’influence de l’imagination une telle puissance sur les paralysies, les épilepsies, les membres ankylosés, que n’employez-vous ce moyen, au lieu de laisser souffrir tant de malheureux infirmes, ou de leur donner des drogues que vous savez inutiles ?


17. — La preuve, a-t-on dit, que M. Jacob n’avait pas le pouvoir qu’il s’attribuait, c’est qu’il a refusé d’aller guérir dans un hôpital sous les yeux de gens compétents pour apprécier la réalité des cures.

Deux raisons ont dû motiver ce refus. D’abord, il ne pouvait se dissimuler que l’offre qui lui était faite n’était pas dictée par la sympathie, mais un défi qu’on lui proposait. Si, sur une salle de trente malades, il n’en avait mis sur pieds ou soulagé que trois ou quatre, on n’aurait pas manqué de dire que cela ne prouvait rien et qu’il avait échoué.

En second lieu, il faut tenir compte des circonstances qui peuvent favoriser ou paralyser son action fluidique. Lorsqu’il est entouré de malades qui viennent à lui volontairement, la confiance qu’ils apportent les prédispose. N’admettant aucun étranger attiré par la curiosité, il se trouve dans un milieu sympathique qui le prédispose lui-même ; il est tout à lui ; son esprit se concentre librement, et son action a toute sa puissance.

Dans une salle d’hôpital, inconnu des malades habitués aux soins de leurs médecins dont ce serait suspecter l’habileté que d’avoir foi en autre chose qu’en leur médication, sous les regards inquisiteurs et moqueurs de gens prévenus, intéressés à le dénigrer ; qui, au lieu de le seconder par le concours d’intentions bienveillantes, craindraient plus qu’ils ne désireraient de le voir réussir, parce que le succès d’un zouave ignorant serait un démenti donné à leur savoir, il est évident que, sous l’empire de ces impressions et de ces effluves antipathiques, sa faculté se trouverait neutralisée. Le tort de ces messieurs, en cela comme lorsqu’il s’est agi du somnambulisme, a toujours été de croire que ces sortes de phénomènes se manœuvraient à volonté comme une pile électrique.

Les guérisons de ce genre sont spontanées, imprévues et ne peuvent être préméditées ni mises au concours. Ajoutons à cela que le pouvoir guérissant n’est point permanent ; tel qui le possède aujourd’hui, peut le voir cesser au moment où il s’y attend le moins ; ces intermittences prouvent qu’il dépend d’une cause indépendante de la volonté du guérisseur, et déjouent les calculs du charlatanisme.


Nota. M. Jacob n’a point encore repris le cours de ses guérisons ; nous en ignorons le motif, et il ne paraît pas qu’il y ait rien de fixé sur l’époque où il les recommencera si cela doit avoir lieu. En attendant, nous apprenons que la médiumnité guérissante se propage en différentes localités, avec des aptitudes diverses.


Allan Kardec.

[1] ERRATA — Numéro de novembre 1867, page 341, 40e ligne : C’est donc le fluide qui agit sans l’impulsion de l’Esprit… — Lisez : sous l’impulsion.  [Revue de janvier 1868.]




Paris. – Typ. de Rouge frères, Dunon et Fresné, rue du Four-Saint-Germain,  †  43.


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