Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année VIII — Janvier 1865.

(Langue portugaise)

NOUVELLE CURE D’UNE JEUNE OBSÉDÉE DE MARMANDE.

[Le cas de la jeune fille Valentine Laurent.]

1. — M. Dombre nous transmet le récit suivant d’une nouvelle guérison des plus remarquables, obtenue par le cercle spirite de Marmande.  †  Malgré son étendue, nous avons cru devoir le publier en une seule fois, en raison du haut intérêt qu’il présente et pour qu’on puisse mieux saisir l’enchaînement des faits. Nous pensons que nos lecteurs ne nous en sauront pas mauvais gré. Nous n’avons supprimé que quelques détails qui ne nous ont pas paru d’une importance capitale. Les enseignements qui en découlent sont nombreux et graves, et jettent une lumière nouvelle sur cette question d’actualité et ces phénomènes qui tendent à se multiplier. Vu la longueur de cet article, nous renvoyons les considérations au prochain numéro, afin d’y donner les développements nécessaires.


Monsieur Allan Kardec,

C’est avec une force nouvelle et une confiance en Dieu corroborée par des faits, qui m’enthousiasment sans m’étonner, que je viens vous faire le récit d’une guérison d’obsession, remarquable sous plusieurs rapports.

Oh ! bien aveugle qui n’y voit pas le doigt de Dieu ! Tous les principes de la sublime doctrine du Spiritisme s’y trouvent confirmés ; l’individualité de l’âme, l’intervention des Esprits dans le monde corporel, l’expiation, le châtiment et la réincarnation sont démontrés d’une manière frappante dans les faits dont je vais vous entretenir. Je regrette, ainsi que je vous l’ai déjà exprimé, d’être obligé de vous parler de moi, du rôle qui m’est échu dans cette circonstance, comme instrument dont Dieu a daigné se servir pour frapper les yeux. Devais-je passer sous silence les faits qui ont rapport à moi  ? Je ne l’ai point pensé.

Vous êtes chargé de contrôler, d’étudier, d’analyser les faits et de répandre la lumière : les moindres détails doivent donc être portés à votre connaissance. Dieu, qui lit dans le fond des cœurs, sait qu’une vaine satisfaction d’amour-propre n’a pas été mon mobile ; je n’ignore pas, d’ailleurs, que celui qui, par privilège est appelé à faire quelque bien, est bientôt réduit à l’impuissance, s’il méconnaît un instant l’intervention divine : heureux même s’il n’est pas châtié !

J’arrive au récit des faits.

Dès les premiers jours de septembre 1864, il n’était question, dans certain quartier de la ville, que des crises convulsives éprouvées par une jeune fille, Valentine Laurent, âgée de treize ans. Ces crises, qui se renouvelaient plusieurs fois dans la journée, étaient d’une violence telle que cinq hommes la tenant par la tête, les bras et les jambes, avaient peine à la maintenir sur son lit. Elle trouvait assez de force pour les agiter, et quelquefois même se dégager de leurs étreintes. Alors ses mains s’accrochaient à tout ; les chemises, les habits, les couvertures du lit étaient promptement déchirés ; ses dents jouaient aussi un rôle très actif dans ses fureurs, dont s’effrayaient avec raison les personnes qui l’entouraient. Si on ne l’eût maintenue, elle se serait brisé la tête contre les murs, et malgré tous les efforts et les précautions, elle n’a pas été exempte de déchirures et de contusions.

Les secours de l’art ne lui ont pas manqué ; quatre médecins l’ont vue successivement ; potions d’éther, pilules, médicaments de toute nature, elle prenait tout sans répugnance ; les sangsues derrière les oreilles, les vésicatoires  †  aux cuisses ne lui ont pas non plus été épargnés, mais sans succès. Pendant les crises, le pouls était parfaitement régulier ; après les crises, pas le moindre souvenir de ses souffrances, de ses convulsions, mais beaucoup d’étonnement de voir la maison pleine de monde, et son lit entouré d’hommes tout essoufflés, dont quelques-uns avaient à regretter une chemise ou un gilet déchiré.

Le curé de X…, paroisse située à deux ou trois kilomètres de Marmande, jouissant dans le pays d’une célébrité naissante, parmi un certain monde, comme guérisseur de toutes espèces de maux, fut consulté par le père de la jeune fille. Le curé, sans s’expliquer sur la nature du mal, lui donna gratuitement un peu de poudre blanche pour faire prendre à la malade ; il lui offrit ensuite de dire une messe. Mais, hélas ! ni la poudre ni la messe ne préservèrent la jeune Valentine de quatorze crises qu’elle eut le lendemain, ce qui ne lui était jamais arrivé.

Tant d’insuccès dans les soins de toutes sortes durent nécessairement faire naître dans l’esprit du vulgaire des idées superstitieuses. Les commères, en effet, parlèrent hautement de maléfice, de sortilège jeté sur l’enfant.


2. — Pendant ce temps nous consultions dans le silence de l’intimité nos guides spirituels sur la nature de cette maladie, et voici ce qu’ils nous répondirent :

« C’est une obsession des plus graves, dont le caractère changera souvent de physionomie. Agissez froidement, avec calme ; observez, étudiez et appelez Germaine. »


A cette première évocation, cet Esprit prodigua les injures et montra une grande répugnance à répondre à nos interpellations. Aucun de nous n’était encore entré dans la maison de la malade, et avant d’intervenir nous voulions laisser la famille épuiser tous les moyens dont pouvait s’inspirer sa sollicitude. Ce ne fut que lorsque l’impuissance de la science et de l’Église eut été constatée, que nous engageâmes le père désespéré à venir assister à notre réunion pour apprendre la véritable cause du mal de son enfant, et le remède moral à y apporter. Cette première séance eut lieu le 16 septembre 1864. Avant l’évocation de Germaine, nos guides nous donnèrent l’instruction suivante :

« Apportez beaucoup de soin, beaucoup d’observation et beaucoup de zèle. Vous aurez affaire à un Esprit mystificateur qui joint la ruse, l’habileté hypocrite à un caractère très méchant. Ne cessez pas d’étudier, de travailler à la moralisation de cet Esprit et de prier à cet effet. Recommandez aux parents d’éviter, en présence de l’enfant, la manifestation de toute crainte sur son état ; ils doivent au contraire la faire vaquer à ses occupations ordinaires, et surtout éviter à son égard la brusquerie. Qu’on lui dise bien surtout qu’il n’y a pas de sorciers : ceci est très important. Le cerveau jeune et flexible reçoit les impressions avec trop de facilité, et son moral pourrait en souffrir ; qu’on ne la laisse pas s’entretenir avec les personnes susceptibles de lui raconter des histoires absurdes qui donnent aux enfants des idées fausses et souvent pernicieuses. Que les parents eux-mêmes se rassurent : la prière sincère est le seul remède qui doit délivrer l’enfant.

« Nous vous l’avons dit, Spirites, l’Esprit de Germaine a de l’habileté ; il s’arrangera toujours des croyances ridicules, des bruits qui circulent autour de la jeune fille ; il cherchera à vous donner le change. Tirez parti de ce cas : l’obsession se présentera sous des phases nouvelles. Tenez-vous pour avertis ; songez que vous devez travailler avec persévérance, et suivre avec intelligence les moindres détails qui vous mettront sur la trace des manœuvres de l’Esprit. Ne vous fiez pas au calme. Si les crises sont les effets les plus frappants dans les obsessions, il est des suites bien autrement dangereuses. Méfiez-vous de l’idiotisme et de l’enfantillage d’un obsédé qui, comme dans ce cas, ne souffre pas physiquement. Les obsessions sont d’autant plus dangereuses qu’elles sont plus cachées ; elles sont souvent purement morales. Tel déraisonne, tel autre perd le souvenir de ce qu’il a dit, de ce qu’il a fait. Il ne faut cependant pas juger trop précipitamment et tout attribuer à l’obsession. Je le répète, étudiez, discernez, travaillez sérieusement ; n’attendez pas tout de nous ; nous vous aiderons, puisque nous travaillons de concert, mais ne vous reposez pas en croyant que tout vous sera révélé. »


3. — Évocation de Germaine. — R. Me voici.


1. D. Avez-vous quelque chose à nous dire, comme suite à notre dernier entretien ? — R. Non, rien, messieurs.


2. D. Savez-vous que vous nous avez bien brusqués ? — R. Vous me parlez aussi assez mal.


3. D. Nous vous avons donné des conseils ; y avez-vous réfléchi ? — R. Oui, beaucoup, je vous le jure ; mes réflexions ont été sages ; j’étais folle, j’en conviens ; c’était du délire, mais me voici calme.


4. D. Eh bien ! voulez-vous nous dire pourquoi vous torturez cette enfant ? — R. Inutile de revenir sur ce sujet, ce serait trop long à raconter. J’imagine que ce n’est point ici un tribunal ; que je ne serai point priée avec autorité de m’asseoir sur la sellette, et de répondre au questionnaire.


5. D. Non, du tout ; vous êtes complètement libre ; c’est l’intérêt que nous vous portons, ainsi qu’à l’enfant, qui nous fait vous demander pour quel motif sérieux ou par quel caprice vous vous livrez à ces attaques ? — R. Caprice, dites-vous ? Ah ! vous devriez le désirer que ce ne fût qu’un caprice ; car, vous le savez, le caprice est changeant et finit.


6. D. Etes-vous réellement calme ? — R. Vous le voyez.


7. D. Oui, en apparence ; mais ne déguisez-vous pas vos sentiments ? — R. Je ne viens point vous tendre des pièges, je n’en ai pas besoin.


8. D. Voulez-vous nous affirmer devant les Esprits qui nous entourent… ? — R. Ne mettons point d’autres gens entre nous. Si nous avons à causer ou à traiter, que ce soit de vous à moi ; je n’aime pas l’intervention des tiers.


9. D. Eh bien ! nous vous croyons de bonne foi, et… — R. C’est pour cela que vous devriez vous contenter de cette garantie. Au reste, je vous obligerai à me croire si vous y mettez de la résistance ; les preuves ne me manqueront pas pour vous convaincre de ma sincérité.

Germaine.


Au nom de Germaine, le père de l’obsédée s’écria, stupéfait : Oh ! c’est drôle ! et en se retirant, il répéta souvent : C’est drôle !

(Ceci sera expliqué plus tard.)


4. — Le lendemain 17 septembre, je me rendis pour la première fois dans cette famille, avec le désir d’être témoin d’une attaque de l’Esprit ; je fus servi à souhait. Valentine était en crise ; j’entrai avec les gens du quartier, qui se précipitaient dans la maison.

Je vis étendue sur un lit une jeune fille magnifique, robuste pour son âge, et tenue par huit ou dix bras vigoureux, ainsi que je l’ai décrit plus haut. La tête seule était dégagée, s’agitant, et fouettant en tous sens l’air de sa chevelure déroulée. La bouche entre ouverte laissait voir deux rangées de dents blanches et surtout menaçantes. Le regard était complètement perdu, et les deux prunelles, dont on ne voyait que le bord, étaient logées dans l’angle du côté du nez. Ajoutez à cela une espèce de cri sauvage, et jugez du tableau.

J’observai un instant la force des secousses, et me penchant vers la figure de l’enfant, je posai ma main gauche sur son front et ma main droite sur sa poitrine ; instantanément les mouvements et les efforts convulsifs cessèrent, et la tête se posa calme sur le traversin. Je dirigeai les doigts de la main droite sur la bouche qui en fut effleurée, et aussitôt le sourire revint sur ses lèvres ; ses deux grandes prunelles noires reprirent leur place au milieu de l’œil ; à cette figure satanique succéda le visage le plus gracieux. L’enfant manifesta son étonnement de voir tant de monde autour d’elle, en disant qu’elle n’était pas malade ; c’étaient toujours ses premières paroles après les crises. J’élevai mon âme à Dieu, et je sentis sous mes paupières deux larmes d’enthousiasme et de reconnaissance.

Ceci venait de se passer dans la matinée du 17. Les crises les plus multipliées ayant lieu le soir vers cinq heures, je m’y rendis, mais la crise avait devancé l’heure habituelle, et elle était terminée. A sept heures je rentrai chez moi pour dîner ; mais à peine de retour on vint m’avertir que l’enfant avait une crise terrible. Je m’y rendis aussitôt.

Après avoir pris, d’une main, près des poignets, les deux bras réunis de la jeune fille, je dis aux hommes qui la tenaient : Lâchez-la ; puis, sous mon autre main posée sur sa poitrine, on la vit s’apaiser tout à coup ; ma main, portée ensuite sur le visage, y ramena le sourire, et ses yeux reprirent leur état normal. Le même effet du matin avait été produit. Je restai près de l’enfant une partie de la nuit ; elle n’eut point de crises, mais dormait d’un sommeil agité ; sa physionomie avait quelque chose de convulsif ; on lui voyait le blanc des yeux, et elle paraissait souffrir moralement. Elle gesticulait, parlait distinctement et s’écriait d’un accent énergique et émue : Va-t’en ! va-t’en !… oh ! la vilaine !… Et l’enfant… et l’enfant… dans les rochers… dans les rochers. A cette agitation succédait une sorte d’extase ; elle pleurait et reprenait d’un accent plaintif : Ah ! tu souffres des tourments de l’enfer !… et moi, tu veux me faire toujours souffrir !… toujours ! toujours donc ! Et tendant ses deux bras en l’air et cherchant à se soulever : Eh bien ! emmène, emmène-moi !

Le père poussait à chaque instant son exclamation : Oh ! c’est drôle ! Et la mère ajoutait : Il y a là du mystère. A partir d’une heure de la nuit, l’enfant dormit paisiblement jusqu’au jour.

Ces agitations, ces reproches, ces extases, ces pleurs se renouvelèrent chaque jour après les attaques violentes de l’Esprit, et durèrent bien avant dans la nuit des 18, 19 et 20 septembre. Chaque jour je me rendais auprès de la malade et m’installai pour ainsi dire dans la maison. Pendant ma présence, rien ne se manifestait ; mais à peine parti, une nouvelle crise se produisait. Je revenais et la calmais aussitôt comme on l’a vu.

Ceci dura plusieurs jours. C’était certes un phénomène bien digne d’attention que ces crises apaisées subitement par la seule imposition des mains ; il en était bruit dans toute la ville, et il y avait là matière à étude sérieuse ; cependant, j’eus le regret de ne voir aucun des quatre médecins qui avaient soigné l’enfant venir l’observer.

Je remarquai pendant tout ce temps, chez l’enfant, tantôt une gaieté un peu outrée, tantôt une sorte de niaiserie ; le père et la mère ne trouvaient pas ces airs naturels, ce qui justifiait la prévision de nos guides.


5. — Le 21 septembre, le père et l’enfant se rendirent avec moi à la séance.

Au début, nos guides nous dirent : Appelez Germaine ; priez-la de rester près de vous, et dites-lui ceci :

« Germaine, vous êtes notre sœur ; cette jeune fille est aussi notre sœur et la vôtre. Si autrefois quelque funeste action vous a liées, et a fait peser sur vous deux la justice divine, vous pouvez fléchir le Juge suprême. Faites un appel à sa miséricorde infinie ; demandez-lui votre grâce, comme nous la demandons pour vous ; touchez le Seigneur par votre prière fervente et votre repentir. C’est en vain que vous chercherez du calme à vos remords et un refuge dans la vengeance ; c’est en vain que vous chercherez votre justification en l’accablant du poids de votre accusation. Revenez donc à notre voix ; pardonnez, et il vous sera pardonné ; ne cherchez pas à ruser avec nous ; ne croyez pas que la seule apparence de franchise puisse nous séduire ; quels que soient les moyens employés par vous, nous les connaîtrons, et nous vous opposerons notre force et notre volonté. Que votre cœur, aveuglé par la souffrance et la haine, s’ouvre à la pitié et au pardon. Nous ne cesserons de prier l’Éternel et les bons Esprits, ses messagers fidèles, de répandre sur vous la consolation et le bienfait. Ce que nous voulons, Germaine, c’est vous délivrer de vos souffrances. Vous serez toujours accueillie par nous comme une sœur ; vous serez secourue. Ne nous regardez donc pas comme des ennemis ; nous voulons votre bonheur ; ne soyez pas sourde à nos paroles ; écoutez nos conseils, et avant peu vous connaîtrez la paix de la conscience. Le remords aura fui loin de vous, le repentir aura pris sa place. Les bons Esprits vous accueilleront comme une brebis perdue qu’ils auront retrouvée ; les méchants imiteront votre exemple. Dans cette famille où vous provoquez la malédiction, il ne sera parlé de vous qu’en bien ; il y aura de la reconnaissance ; cette enfant priera aussi pour vous, et si la haine vous désunit, l’amour un jour vous rassemblera.

« On est toujours malheureux quand on est altéré de vengeance ; plus de repos pour celui qui hait. Celui qui pardonne est près d’aimer ; le bonheur et la tranquillité remplacent la souffrance et l’inquiétude. Venez, Germaine, venez vous unir à nous par vos prières. Nous voulons qu’à l’exemple de Jules n et d’autres Esprits qui, comme vous, vivaient dans le mal, vous soyez près de nous sous l’heureuse protection de nos guides.

Vous êtes seule ; soyez la fille adoptive de cette famille qui prie l’Éternel pour ceux qui souffrent, et apprend à tous à l’aimer pour être heureux. Si vous vous obstinez à rester cruelle à l’égard de cette enfant, vous prolongerez et aggraverez vos souffrances, et vous entendrez l’enfant et ceux qui l’entourent vous maudire.

« Méritez donc de vos frères l’amitié qu’ils vous offrent de grand cœur ; cessez ces tortures, d’où vous vous retirez toute meurtrie. Croyezen notre parole ; croyez surtout aux conseils des bons Esprits qui nous guident, et particulièrement à ceux de Petite Carita. Vous ne serez pas sourde à cette prière. Donnez-nous pour preuve que vous accueillez notre offre, la paix et le sommeil sans trouble de l’enfant pendant quelques jours. Nous allons prier pour vous, et ne cesserons de demander la fin de tous vos maux. »


6. — Nous appelons Germaine, et lui lisons ce qui vient de nous être dicté.

1. D. Avez-vous bien entendu et compris les vœux que nous venons de vous exprimer ? — R. Oui ; je suis même étonnée de toutes ces promesses ; je ne mérite pas tant. Mais je suis un Esprit méfiant, et je n’ose y croire. Nous verrons si vos prières me donneront ce calme dont je suis privée depuis si longtemps. C’est vrai, je suis seule, et je ne connais que celle qui cherche à me déchirer n Nous verrons.


2. D. Ne voyez-vous pas près de vous de bons Esprits ? — R. Si, mais je n’attends rien que de vous.


3. D. Eh bien ! en échange du bien que nous voulons vous faire, ne pourriez-vous cesser de faire le mal, de tourmenter ?… — R. Et suis-je moi seule la cause de ce mal ? Elle y contribue autant que moi. Tourmenter, dites-vous ? Nous luttons, nous nous étreignons ; la culpabilité est partagée. Elle a été ma complice ; je ne vois pas pourquoi vous feriez peser sur moi seule la responsabilité de ces actes violents dont je suis aussi victime, moi.


4. D. Cependant l’enfant ne va pas vous chercher, et si vous la tourmentez, c’est que vous le voulez bien ; vous avez votre libre arbitre. — R. Qui vous l’a dit ? vous êtes dans l’erreur ; une fatalité nous lie.


5. D. Eh bien ! racontez-nous tout. — R. Je ne puis ; on ne jouit pas ici de toute sa liberté… Je suis franche.


6. D. Allons ! Germaine, nous allons prier pour vous. A une autre fois !


En terminant, nos guides nous dirent :

« Pendant ces jours-ci, réunissez-vous aussi nombreux que possible ; occupez-vous plus particulièrement d’elle. Votre franchise et votre zèle à son égard la toucheront, et les résultats que nous demandons seront, nous l’espérons, prompts, grâce à cette mesure. »


7. — La journée du 22 se passa sans crise, et le soir nous nous réunîmes comme d’habitude.


Évocation de Germaine.

1. D. — Eh bien ! Germaine, croyez-vous à notre attachement pour vous ? — R. Il m’est bien permis de douter ; le paria croit difficilement au baiser fraternel qu’on lui donne en passant. Je suis habituée à voir le dédain et le mépris me poursuivre.


2. D. Dieu veut que nous ayons de l’amour les uns pour les autres. — R. Je ne connais pas cela. Ici, celui que le remords poursuit ou étreint est un ennemi, un serpent que l’on fuit en lui jetant la pierre. Croyez-vous que cela n’est pas révoltant pour le maudit ? Il devient l’ennemi de tous par instinct ; la passion et la haine l’aveuglent ; malheur à celui qui tombe sous la griffe de ce vautour.


3. D. Nous, Germaine, nous voulons vous aimer, et nous vous tendons la main. — R. Pourquoi ne m’a-t-on pas parlé ainsi plus-tôt ? Il y a cependant des cœurs généreux dans le monde que j’habite ; je leur faisais donc peur ? Pourquoi ne m’a-t-on jamais dit : Tu es notre sœur et tu peux partager notre sort ? J’ai encore le poison dans l’âme, lorsque surtout je pense au passé. Le crime mérite une peine, mais la punition a été trop grande : il semblait que tout tombait sur moi pour m’écraser. Dans ces moments on méconnaît Dieu, on le blasphème, on le nie, on se révolte contre lui et les siens, lorsqu’on est dans l’abandon.


Remarque. Ce dernier raisonnement de l’Esprit est le résultat de la surexcitation où il se trouve, mais il vient de poser une question qui a son importance. « Pourquoi, dit-il, dans le monde où je suis, ne m’a-ton pas parlé comme vous le faites ? » Par la raison que l’ignorance de l’avenir fait momentanément partie du châtiment de certains coupables ; ce n’est que lorsque leur endurcissement est vaincu par la lassitude qu’on leur fait entrevoir un rayon d’espérance comme allégement à leurs peines ; il faut que ce soit volontairement qu’ils tournent leurs regards vers Dieu. Mais les bons Esprits ne les abandonnent pas ; ils s’efforcent de leur inspirer de bonnes pensées ; ils épient les moindres signes de progrès, et, dès qu’ils voient poindre en eux le germe du repentir, ils provoquent les instructions qui, en les éclairant, peuvent les ramener au bien. Ces instructions leur sont données par les Esprits en temps opportun ; elles peuvent aussi l’être par les incarnés, afin de montrer la solidarité qui existe entre le monde visible et le monde invisible. Dans le cas dont il s’agit, il était utile à la réhabilitation de Germaine que le pardon lui vînt de la part de ceux qui avaient à se plaindre d’elle, ce qui était en même temps un mérite pour ces derniers.

Telle est la raison pour laquelle l’intervention des hommes est souvent requise pour l’amélioration et le soulagement des Esprits souffrants, surtout dans les cas d’obsession. Celle des bons Esprits pourrait assurément suffire, mais la charité des hommes envers leurs frères de l’erraticité est pour eux-mêmes un moyen d’avancement que Dieu leur a réservé. [Voir remarque dans l’item 10.]


4. D. L’Esprit de Jules que vous voyez près de nous, était aussi un criminel, souffrant et malheureux ?… — R. Ma position a été pire à moi. Citez tout ce qui peut navrer l’âme ; dites combien le poison brûle les entrailles : j’ai tout éprouvé ; et le plus cruel pour moi était d’être seule, abandonnée, maudite ; je n’ai inspiré de pitié à personne. Comprenez-vous la rage qui déborde de mon cœur ? J’ai bien souffert ! je ne pouvais mourir ; le suicide ne m’était pas possible ; et toujours devant moi l’avenir le plus sombre ! Je n’ai jamais vu poindre une lueur ; pas une voix ne m’a dit : Espère ! Alors, j’ai crié : « Rage, vengeance ! A moi des victimes ! j’aurai au moins des compagnes de souffrances. Ce n’est pas la première fois que l’enfant sent mes étreintes. »  n


Remarque. — Si l’on demandait pourquoi Dieu permet à de mauvais Esprits d’assouvir leur rage sur des innocents, nous dirions qu’il n’est pas de souffrance imméritée, et que celui qui est innocent aujourd’hui et qui souffre a sans doute encore quelque dette à payer ; ces mauvais Esprits servent, dans ce cas, d’instrument à l’expiation. Leur malveillance est en outre une épreuve pour la patience, la résignation et la charité.


5. D. Remerciez Dieu de vous avoir tant fait souffrir ; ces souffrances sont l’expiation qui vous a purifiée. — R. Remercier Dieu ! vous m’en demandez trop ; j’ai trop souffert ! L’enfer était préférable à ce que j’endurais. Les damnés, comme on me l’a appris, souffrent, pleurent et crient ensemble ; ils peuvent se débattre et lutter entre eux ; moi, j’étais seule. Oh  ! c’est horrible ! Je me sens, en vous faisant ces descriptions, prête à blasphémer et à fondre sur ma proie. Ne croyez pas m’entraver en mettant entre elle et moi un ange souriant. Je lutterai avec tous, qui que ce soit.


6. D. Quel que soit le sentiment qui vous agite, nous ne vous opposerons que le calme, la prière et l’amour. — R. Ce qui me plaît le plus, c’est que vous me parlez sans m’injurier, sans me repousser, et que vous voulez me faire espérer. Oh ! n’attendez pas que je me livre tout de suite ; j’ai peur de la déception. Si, après m’avoir fait de si belles promesses, si belles que je ne puis encore y croire, vous alliez m’abandonner ! Oh ! alors, que deviendrais-je ? Et, j’y réfléchis ; pourquoi ces consolations si tard ? et pourquoi vous ? serait-ce un piège caché ? Tenez ! je ne sais que croire, que faire ; vrai, cela me paraît étrange, surprenant !


Remarque. — L’expérience prouve en effet que les paroles dures et malveillantes sont un très mauvais moyen pour se débarrasser des mauvais Esprits ; elles les irritent, ce qui les porte à s’acharner davantage.


7. D. Germaine, écoutez-moi ; je vais vous expliquer ce qui vous surprend. Depuis peu d’années, l’immortalité, l’individualité et le rapport des âmes avec ceux qui sont encore sur la terre nous ont été démontrés d’une manière qui ne peut laisser aucun doute. Le Spiritisme, c’est le nom de cette nouvelle doctrine, fait à ses adeptes un devoir d’aimer et de secourir ses frères. Nous sommes Spirites, et, par amour pour deux sœurs qui souffrent, vous et l’enfant votre victime, nous sommes venus à vous pour vous offrir notre cœur et le secours de nos prières. Comprenez-vous maintenant ? — R. Pas trop. Vous raisonnez comme je n’ai jamais entendu. Vous avez donc à vous occuper de ceux qui vivent comme vous et au milieu de vous, et des Esprits qui souffrent comme moi ? C’est un travail qui ne doit pas être sans mérite.


8. D. Si vous avez lieu de nous croire sincères, voulez-vous nous promettre que vos dispositions à l’égard de l’enfant seront bonnes ? — R. Bonnes en raison de ce que vous aurez été bons pour moi. Je vous crois tous sincères ; votre langage tend à me le faire croire ; mais je doute encore. Enlevez-moi ce doute, et je suis à vous. Je vais m’efforcer de faire ce que je vais vous promettre : à mesure que le doute s’effacera, le mal faiblira, et le doute parti, le mal chez l’enfant aura cessé. Si vous me jouez, malheur ! elle mourra étranglée. Une victime attend, ou sa grâce qui dépend de vous, ou le coup que je tiens sur sa tête. Ce n’est pas une menace pour vous intimider, mais un avertissement que la haine et la rage m’aveugleraient. Vous êtes arrivés à temps ; elle serait peut-être morte déjà. Puisque nous ne pouvons pas toujours causer ensemble, dites à vos amis qui vivent où je vis, de continuer l’entretien ; qu’ils ne me repoussent pas, quoique je n’aie point peut-être cessé mes méchancetés ; car je ne me suis pas absolument engagée ; vous ne pouvez exiger plus que je n’ai promis.


Nous prions nos guides de faire bon accueil à Germaine. Ils répondent :

« Elle est d’avance notre sœur bien-aimée, d’autant plus qu’elle a plus souffert. Venez, Germaine ; si jamais aucune main amie n’a pressé votre main, approchez : nous vous tendons les nôtres. Votre bonheur seul nous occupe. Vous trouverez toujours en nous des frères, malgré la faiblesse dont vous vous sentez encore capable. Nous vous plaindrons et ne vous condamnerons pas. Entrez dans votre famille, le bonheur nous sourit. Chez nous les larmes amères ne coulent pas ; la joie remplace la douleur, et l’amour, la haine. Sœur, vos mains ! »

« Vos Guides. »


8. — La journée du 23 se passa sans crise, comme celle de la veille. Le soir la jeune fille se rendit avec son père à la séance pour entendre Germaine à qui elle portait déjà beaucoup d’intérêt.


Nos guides nous dirent :

« Commencez vos travaux par l’évocation de Germaine ; elle le désire beaucoup ; vous devez lui prouver qu’elle vous occupe spécialement. Evitez tout ce qui pourrait avoir l’apparence de l’oubli et de l’indifférence afin de lever tous ses doutes. Songez que ses attaques ne sont que suspendues. Soyez prudents ; soyez heureux sans amour-propre et sans orgueil ; soyez surtout fervents dans vos prières. Si elle manifestait le désir de causer longuement, dût-elle vous prendre toute la soirée, ne marchandez pas le temps. »

« Vos Guides. »


Évocation de Germaine. — R. « Me voici, beaucoup plus calme ; je veux être juste, je crois vous le devoir. Vous voyez aussi que j’ai agi selon que je l’avais dit ; les bons rapports font les bons amis. Parlez-moi donc, puisque vous êtes des voix amies ; c’est si étrange et si nouveau pour moi, que vous me permettrez bien de savourer un entretien où la haine sera remplacée par… j’allais dire l’amour, et je ne le connais pas ! Dites-moi ce qu’il faut faire pour aimer et être aimée, moi, la pauvre misérable Germaine, vieillie par le malheur, l’opprobre et le crime !… Baptise-t-on chez vous ? Voici une néophyte. »

— Le baptême que vous demandez, Jeanne, vous l’avez déjà reçu, lui répondis-je ; il est dans votre repentir, dans votre résolution de marcher dans une nouvelle voie.


9. — La journée du 24 septembre fut aussi calme que la précédente. A la réunion du soir, nous appelons Germaine.

D. Germaine, nous vous remercions… — R. « Ne me parlez pas de cela, car vous me rendez toute honteuse. C’est à moi à m’incliner et à demander grâce. Je te dois une grande réparation, pauvre enfant ! La vie dont jouissent les Esprits est éternelle. Dieu a mis devant moi les moyens et le temps de réparer les ravages causés par l’aveuglement de la passion. Sois rassurée ; prie quelquefois pour la malheureuse Germaine, la criminelle qui, aujourd’hui repentante, te demande son pardon. Oublie, pauvre enfant, tes douleurs et celle qui les a causées ; ne te souviens que de celle qui désire maintenant être ton amie. Ce n’est plus la même Germaine : la prière que l’on a versée sur moi m’a rendu l’âme plus nette ; ma soif de vengeance s’est éteinte. Le souvenir de mon infâme passé sera mon expiation. Ma prière, jointe à la vôtre, adoucira le remords qui me torture. Merci à vous tous, qui m’avez rappelée dans le sentier du vrai et du bien, alors que j’étais égarée dans les profondeurs du vice et de l’impénitence.

« Je vous crois maintenant ; le doute a disparu. Je vous aime et vous remercie de m’avoir sauvée et guérie ; je vous remercie aussi pour cette pauvre enfant à qui vous avez rendu la santé et la vie.

« Je puis me dire heureuse, car je suis au milieu de bons Esprits qui me consolent et me fortifient par leur douce et persuasive morale. Je ne suis plus seule ; malgré toute la noirceur de mon âme, ils m’ont admise dans leur bienheureuse famille. Je suis la malade, ils sont mes gardiens. Les expressions me manquent pour vous dire tout ce que je sens.

« Dites-moi tous, toi surtout, pauvre fille, que vous me pardonnez. J’ai besoin d’entendre ce mot sortir de ton cœur. Donnez-moi, s’il vous plaît, cette consolation. »

La jeune Valentine lui dit : « Oui, Germaine, je vous pardonne ; bien plus, je vous aime ! »

— « Et nous aussi, repris-je aussitôt, nous vous aimons comme une sœur. »

Germaine continue :

« Et moi aussi, je commence à aimer. A qui dois-je cette transformation ? A ceux que j’ai injuriés, et qui, malgré toute l’horreur que je devais leur inspirer, ont eu pitié de moi et m’ont appelée leur sœur, et m’ont prouvé qu’ils ne me trompaient pas.

« Oui, vous m’ouvrez le chemin de l’avenir heureux. J’étais pauvre et abandonnée, et je vis maintenant au milieu de ceux qui possèdent beaucoup : je ne suis plus à plaindre. Les bons Esprits me disent qu’ils vont me préparer aux épreuves que je subirai infailliblement ; et, munie de cette force, je redescendrai au milieu des créatures terrestres. Ce ne sera plus pour semer la mort autour de moi, mais pour aimer et mériter d’elles leur bienveillance et leur amitié.

« J’aurais beaucoup à dire, mais je ne veux pas être importune. Prions ; il me semble que cela me fera du bien.

« Dieu tout-puissant, éternel, miséricordieux, entends ma prière. Pardonne mes blasphèmes, pardonne mes égarements. Je ne connaissais point la route qui mène au royaume du juste. Mes frères de la terre me l’ont fait connaître ; mes frères les Esprits m’y conduisent. Que la justice infinie suive son cours sur la pauvre Germaine ; elle souffrira maintenant sans se plaindre ; pas un murmure ne sortira de sa bouche. Je reconnais ta grandeur et ta bonté de père pour tes bienheureux serviteurs qui sont venus me tirer du chemin du vice. Que ma prière monte vers toi ; que les anges qui te servent et entourent ton trône puissent un jour m’accueillir au milieu d’eux, comme l’ont fait ces bons Esprits. Je le comprends aujourd’hui, la vertu seule mène au bonheur. Faites grâce, ô mon Dieu, à ceux qui, comme moi, souffrent encore. Accordez à l’enfant que j’ai torturée les douceurs et les vertus qui font le bonheur sur la terre.

« Germaine. »


10. —  Aide-toi, le ciel t’aidera,  ( † ) vous a-t-on dit ; les Esprits qui vous guident ne feront pas le travail que le devoir vous impose ; mais, selon que vous serez travailleurs, ils abrégeront, autant qu’il sera en leur pouvoir, la tâche entreprise sous la bannière de l’immortelle charité. Agissez donc sans découragement et sans faiblesse ; que votre foi s’affermisse, et un jour, peut-être, vous vous demanderez d’où vous vient ce pouvoir. Travaillez à la moralisation de vos frères incarnés et à celle des Esprits arriérés ; ne vous contentez pas de prêcher les consolations du Spiritisme ; montrez-en la grandeur et le pouvoir par vos actes ; c’est la meilleure réfutation que vous puissiez opposer à vos adversaires. Les paroles s’envolent, et les actes fortifient et relèvent. Que le bonheur qui entrera dans la famille en compagnie de la jeune doctrine soit dû aux soins et à la charité des sincères adeptes. Soyez fiers, sans orgueil, de ce qui vous arrive, sans cela les fruits que vous devez en retirer seraient perdus pour vous.

« Vos Guides. »


Remarque. — Les Esprits, comme on le voit, ne sont ni inactifs ni indifférents à l’égard des Esprits souffrants qu’il faut amener au bien ; mais quand l’intervention des hommes peut être utile, ils leur en laissent l’initiative et le mérite, sauf à les seconder de leurs conseils et de leurs encouragements.


11. — A partir du 25 septembre, d’après les conseils de nos guides, j’endormis tous les jours du sommeil magnétique la jeune Valentine pour la purger complètement de l’empreinte des mauvais fluides qui l’avaient enveloppée, et fortifier son organisme. Depuis sa délivrance, elle éprouvait des malaises, des langueurs d’estomac, de petits tiraillements nerveux, suite inévitable de l’obsession.


Remarque. — A quoi eût servi ce magnétisme, si la cause eût subsisté ? Il fallait d’abord détruire la cause avant de s’attaquer aux effets ; ou tout au moins agir sur les deux simultanément.


L’enfant était un peu gâtée par les soins et les caresses qu’on lui avait prodigués pendant sa maladie ; elle était devenue quelque peu capricieuse et volontaire, et se prêtait avec répugnance à être endormie.

Un jour même elle s’y refusa, et je m’en allai. Rentré chez moi, on vint m’avertir qu’elle avait une crise. « Bien, m’écriai-je, c’est une punition de Germaine. » J’y retournai immédiatement, je trouvai l’enfant s’agitant sur son lit. Cette crise n’était pas aussi violente que les précédentes, mais elle avait les mêmes caractères ; je la calmai comme les autres. Quelques heures après, elle en eut une seconde, que j’arrêtai de même.

Le soir nous nous réunîmes. Germaine vint sans être appelée ; elle dit qu’elle avait voulu donner une leçon à l’enfant, et l’avertit que lorsqu’elle ne serait pas raisonnable, elle lui ferait sentir sa présence. Elle lui donna en outre de très bons conseils, et fit sentir aux parents les inconvénients de céder aux caprices de leurs enfants.


12. — A la phase de la guérison et de la conversion de l’Esprit, a succédé celle des révélations touchant le drame dont l’obsession violente de la jeune Valentine était le dénouement. Quelque intéressante et émouvante que soit cette partie du récit, nous en supprimons les détails comme étrangers jusqu’à un certain point à notre sujet, et parce qu’elle a trait à des événements contemporains dont le souvenir pénible est encore présent, et qui ont eu pour témoins intéressés des personnes encore vivantes. Nous la résumons pour les conclusions que nous aurons à en tirer. Par les mêmes motifs, nous avons dissimulé les noms propres, qui n’ajouteraient rien à l’instruction qui ressort de cette histoire.

De ces révélations faites dans l’intimité, en dehors du groupe, et par l’intermédiaire d’un autre médium, il résulte que Germaine est la grand-mère du sieur Laurent, le père de la jeune obsédée Valentine. Elle avait une fille qui eut deux enfants dont l’un est le sieur Laurent lui-même ; l’autre fut détruit par sa grand-mère, qui le précipita dans un ravin en bas des rochers de… Pour ce meurtre, elle fut condamnée à dix ans de réclusion, qu’elle subit dans la prison de C…

Elle donne sur tous ces faits les indications les plus minutieuses, précisant avec exactitude les noms, les lieux et les dates, de manière à ne laisser aucun doute sur son identité. Ces détails intimes, connus de Laurent seul et de sa femme, ont été confirmés par eux. Pour se faire mieux encore reconnaître de son petit-fils, elle le désigna par son petit nom ignoré du médium, et ne lui parla que patois comme de son vivant.

Il n’y avait donc pas à s’y méprendre, Germaine était bien la grand-mère de Laurent, la condamnée pour infanticide. Quant à sa fille, celle dont on a détruit l’enfant, c’est aujourd’hui la fille de Laurent, la jeune Valentine, qu’elle vient encore de tourmenter par une cruelle obsession.

Elle a expliqué la cause de la haine qu’elle lui avait vouée. Il y avait eu lutte entre elles deux comme Esprit, et cette lutte continua lorsque l’une d’elles fut réincarnée. Un fait vient confirmer cette assertion, ce sont les paroles que la jeune fille prononçait pendant son sommeil. Ses parents, comme on le conçoit, lui avaient toujours laissé ignorer ce qui s’était passé dans sa famille ; ces mots : L’enfant ! l’enfant ! dans les rochers ! dans les rochers ! étaient évidemment le résultat du souvenir que son Esprit conservait à l’état de dégagement.

« Eh bien ! dis-je au père de Valentine, êtes-vous bien convaincu que c’est l’Esprit de votre grand-mère ? — Oh ! monsieur, répondit-il, j’en étais déjà convaincu avant cet entretien. Ce nom de Germaine, et les paroles de Valentine, dans ses crises, ne me laissaient aucun doute à cet égard ; je le dis de suite à ma femme. Bien plus, lorsque vous m’eûtes parlé du Spiritisme et des réincarnations, j’eus dans la pensée que ma mère s’était incarnée en Valentine. »

Ainsi s’expliquent les exclamations répétées de Laurent : «  C’est drôle ! » et celles de sa femme : « Il y a là un mystère ! »



[1] L’Esprit obsesseur de la jeune Thérèse B…, de Marmande. (V. Revue spirite de juin 1864.)


[2] La suite du récit fera comprendre ces dernières paroles.


[3] Les parents nous ont dit qu’en effet leur enfant avait, à l’âge de six ans, éprouvé des crises dont on ne pouvait se rendre compte.


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