Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année VI — Janvier 1863.

(Langue portugaise)

LES SERVITEURS.

Histoire d’un domestique.

1. — Le fait rapporté dans le numéro précédent, sous le titre de la Loge et le Salon (décembre 1862, page 377,) nous en rappelle un qui nous est en quelque sorte personnel. Dans un voyage que nous fîmes il y a deux ans, nous vîmes, dans une famille de haut rang, un tout jeune domestique dont la figure intelligente et fine nous frappa par son air de distinction ; rien, dans ses manières, ne sentait la bassesse ; son empressement pour le service de ses maîtres n’avait rien de cette obséquiosité servile propre aux gens de cette condition. L’année suivante étant retourné dans cette famille, nous n’y vîmes plus ce garçon et nous demandâmes si on l’avait renvoyé. « Non, nous fût-il répondu ; il était allé passer quelques jours dans son pays, et il y est mort. Nous le regrettons beaucoup, car c’était un excellent sujet, et qui avait des sentiments vraiment au-dessus de sa position. Il nous était très attaché, et nous a donné des preuves du plus grand dévouement. »


1. Plus tard la pensée nous vint d’évoquer ce jeune homme, et voici ce qu’il nous dit : Dans mon avant-dernière incarnation, j’étais, comme on le dit sur terre, d’une très bonne famille, mais ruinée par les prodigalités de mon père. Je suis resté orphelin très jeune et sans ressources. M. de G… a été mon bienfaiteur ; il m’a élevé comme son fils, et m’a fait donner une belle éducation dont j’ai tiré un peu trop de vanité. J’ai voulu, dans ma dernière existence, expier mon orgueil en naissant dans une condition servile, et j’y ai trouvé l’occasion de prouver mon dévouement à mon bienfaiteur. Je lui ai même sauvé la vie sans qu’il s’en soit jamais douté. C’était en même temps une épreuve dont je suis sorti à mon avantage, puisque j’ai eu assez de force pour ne pas me laisser corrompre par le contact d’un entourage presque toujours vicieux ; malgré les mauvais exemples, je suis resté pur, et j’en remercie Dieu, car j’en suis récompensé par le bonheur dont je jouis.


2. D. Dans quelles circonstances avez-vous sauvé la vie à M. de G… ? — R. Dans une promenade à cheval où je le suivais seul, j’aperçus un gros arbre qui tombait de son côté et qu’il ne voyait pas ; je l’appelle en poussant un cri terrible ; il se retourne vivement, et pendant ce temps l’arbre tombe à ses pieds ; sans le mouvement que j’ai provoqué, il était écrasé.


Remarque. — M. de G…, auquel le fait fut rapporté, se l’est parfaitement rappelé.


3. D. Pourquoi êtes-vous mort si jeune ? — R. Dieu avait jugé mon épreuve suffisante.


4. D. Comment avez-vous pu profiter de cette épreuve, puisque vous n’aviez pas souvenir de votre précédente existence et de la cause qui avait motivé cette épreuve ? — R. Dans mon humble position, il me restait un instinct d’orgueil que j’ai été assez heureux de pouvoir maîtriser, ce qui a fait que l’épreuve m’a été profitable, sans cela j’aurais encore à recommencer. Mon Esprit se souvenait dans ses moments de liberté, et il m’en restait au réveil un désir intuitif de résister à mes tendances que je sentais être mauvaises. J’ai eu plus de mérite à lutter ainsi que si je m’étais clairement souvenu du passé. Le souvenir de mon ancienne position aurait exalté mon orgueil et m’aurait troublé, tandis que je n’ai eu à combattre que les entraînements de ma nouvelle position.


5. D. Vous aviez reçu une brillante éducation, à quoi cela vous a-t-il servi dans votre dernière existence, puisque vous ne vous souveniez pas des connaissances que vous aviez acquises ? — R. Ces connaissances auraient été inutiles, un contre-sens même dans ma nouvelle position ; elles sont restées latentes, et aujourd’hui je les retrouve. Cependant elles ne m’ont pas été inutiles, car elles ont développé mon intelligence ; j’avais instinctivement le goût des choses élevées, ce qui m’inspirait de la répulsion pour les exemples bas et ignobles que j’avais sous les yeux ; sans cette éducation je n’aurais été qu’un valet.


6. D. Les exemples des serviteurs dévoués à leurs maîtres jusqu’à l’abnégation, ont-ils pour cause des relations antérieures ? — R. N’en doutez pas ; c’est du moins le cas le plus ordinaire. Ces serviteurs sont quelquefois des membres même de la famille, ou, comme moi, des obligés qui payent une dette de reconnaissance, et que leur dévouement aide à s’avancer. Vous ne savez pas tous les effets de sympathie et d’antipathie que ces relations antérieures produisent dans le monde. Non, la mort n’interrompt pas ces relations qui se perpétuent souvent de siècle en siècle.


7. D. Pourquoi ces exemples de dévouement de serviteurs sont-ils si rares aujourd’hui ? — R. Il faut en accuser l’esprit d’égoïsme et d’orgueil de votre siècle, développé par l’incrédulité et les idées matérialistes. La foi vraie sen va par la cupidité et le désir du gain, et avec elle les dévouements. Le Spiritisme, en ramenant les hommes au sentiment du vrai, fera renaître les vertus oubliées.


Remarque. — Rien ne peut mieux que cet exemple faire ressortir le bienfait de l’oubli des existences antérieures. Si M. de G… s’était souvenu de ce qu’avait été son jeune domestique, il eût été très gêné avec lui, et ne l’aurait même pas gardé dans cette condition ; il aurait ainsi entravé l’épreuve qui a été profitable à tous les deux.



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