Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Qu’est-ce que le Spiritisme.

(Deuxième version.) n
(Langue portugaise)

Chapitre premier.


PETITE CONFÉRENCE SPIRITE.

(Partie II — Deuxième visiteur.)

1. Un deuxième Visiteur. — Je comprends, Monsieur, l’utilité de l’étude préalable dont vous venez de parler. Comme prédisposition personnelle, je vous dirai que je ne suis ni pour ni contre le spiritisme, mais que le sujet, par lui-même, excite au plus haut point mon intérêt. Dans le cercle de mes connaissances se trouvent des partisans, mais aussi des adversaires ; j’ai entendu à cet égard des arguments très contradictoires ; je me proposais de vous soumettre quelques-unes des objections qui ont été faites en ma présence, et qui me semblent avoir une certaine valeur, pour moi du moins qui confesse mon ignorance.


Allan Kardec. — Je me fais un plaisir, Monsieur, de répondre aux questions que l’on veut bien m’adresser, quand elles sont faites avec sincérité et sans arrière-pensée, sans me flatter, cependant, de pouvoir les résoudre toutes. Le spiritisme est une science qui vient de naître et où il y a encore bien à apprendre ; il serait donc par trop présomptueux à moi de prétendre lever toutes les difficultés : je ne puis dire que ce que je sais.

Le spiritisme touche à toutes les branches de la philosophie, de la métaphysique, de la psychologie et de la morale ; c’est un champ immense qui ne peut être parcouru en quelques heures. Or vous comprenez, Monsieur, qu’il me serait matériellement impossible de répéter de vive voix et à chacun en particulier tout ce que j’ai écrit sur ce sujet à l’usage de tout le monde. Dans une lecture sérieuse préalable on trouvera, d’ailleurs, la réponse à la plupart des questions qui viennent naturellement à la pensée ; elle a le double avantage d’éviter des répétitions inutiles, et de prouver un désir sérieux de s’instruire. Si, après cela, il reste encore des doutes, ou des points obscurs, l’explication en devient plus facile, parce qu’on s’appuie sur quelque chose, et l’on ne perd pas son temps à revenir sur les principes les plus élémentaires. Si vous le permettez, nous nous bornerons donc, jusqu’à nouvel ordre, à quelques questions générales.


2. Le Visiteur. — Soit ; veuillez, je vous prie, me rappeler à l’ordre si je m’en écarte.

Je vous demanderai d’abord quelle nécessité il y avait de créer les mots nouveaux de spirite, Spiritisme pour remplacer ceux de spiritualisme, spiritualiste qui sont dans la langue vulgaire et compris de tout le monde ? J’entendais quelqu’un traiter ces mots de barbarismes.


A. K.Le mot spiritualiste a depuis longtemps une acception bien déterminée ; c’est l’Académie qui nous la donne : SPIRITUALISTE, celui ou celle dont la doctrine est opposée au matérialisme. Toutes les religions sont nécessairement fondées sur le spiritualisme. Quiconque croit qu’il y a en nous autre chose que de la matière est spiritualiste, ce qui n’implique pas la croyance aux Esprits et à leurs manifestations. Comment le distinguerez-vous de celui qui y croit ? Il faudra donc employer une périphrase et dire : C’est un spiritualiste qui croit ou ne croit pas aux Esprits. Pour les choses nouvelles, il faut des mots nouveaux, si l’on veut éviter les équivoques. Si j’avais donné à ma REVUE la qualification de Spiritualiste, je n’en aurais nullement spécifié l’objet, car, sans faillir à mon titre, j’aurais pu ne pas dire un mot des Esprits et même les combattre. Je lisais il y a quelque temps dans un journal, à propos d’un ouvrage de philosophie, un article où il était dit que l’auteur l’avait écrit au point de vue spiritualiste ; or, les partisans des Esprits auraient été singulièrement désappointés si, sur la foi de cette indication, ils avaient cru y trouver la moindre concordance avec leurs idées. Si donc j’ai adopté les mots spirite, spiritisme, c’est parce qu’ils expriment sans équivoque les idées relatives aux Esprits. Tout spirite est nécessairement spiritualiste, mais il s’en faut que tous les spiritualistes soient spirites. Les Esprits seraient une chimère qu’il serait encore utile d’avoir des termes spéciaux pour ce qui les concerne, car il faut des mots pour les idées fausses comme pour les idées vraies.

Ces mots d’ailleurs ne sont pas plus barbares que tous ceux que les sciences, les arts et l’industrie créent chaque jour ; ils ne le sont assurément pas plus que ceux que Gall a imaginés pour sa nomenclature des facultés, tels que : Secrétivité, amativité, combativité, alimentivité, affectionivité, etc. Il y a des gens qui, par esprit de contradiction, critiquent tout ce qui ne vient pas d’eux, et veulent se donner un air d’opposition ; ceux qui soulèvent d’aussi misérables chicanes ne prouvent qu’une chose, c’est la petitesse de leurs idées. S’attaquer à des bagatelles semblables, c’est prouver qu’on est à court de bonnes raisons. Les spiritualistes qui ne croient pas aux Esprits doivent être enchantés, au contraire, qu’un mot nouveau ne permette plus de les confondre avec les partisans de ce qu’ils appellent des idées superstitieuses. n


3. Le Visiteur. — Les idées superstitieuses, c’est en effet ce qu’on vous accuse de ressusciter. N’est-ce pas revenir à la magie et à la sorcellerie du moyen âge ? N’est-ce pas accréditer toutes les croyances populaires dont la raison fait justice ?


A. K. — Ceux qui ne croient pas à la religion, ne traitent-ils pas de superstitions la plupart des croyances et des pratiques religieuses ? Pourquoi donc y aurait-il plus de superstition à croire que les Esprits se manifestent, qu’à croire à l’intervention de tel ou tel saint par suite des prières qu’on lui adresse ? Une idée n’est superstitieuse que parce qu’elle est fausse ; elle cesse de l’être du moment qu’elle est reconnue vraie. La question est donc de savoir s’il y a ou non des manifestations d’Esprits ; or, vous ne pouvez pas taxer la chose de superstition tant que vous n’aurez pas prouvé qu’elle n’existe pas. Vous direz : ma raison s’y refuse ; mais tous ceux qui y croient, et qui ne sont pas des sots, invoquent aussi leur raison, et de plus des faits ; laquelle des deux raisons doit l’emporter ? Le grand juge, ici, c’est l’avenir, comme il l’a été dans toutes les questions scientifiques et industrielles taxées d’absurdes et d’impossibles à leur origine. Vous jugez à priori d’après votre opinion ; nous, nous ne jugeons qu’après avoir vu et observé longtemps. Nous ajoutons que le spiritisme éclairé, comme il l’est aujourd’hui, tend au contraire à détruire les idées superstitieuses, parce qu’il montre ce qu’il y a de vrai ou de faux dans les croyances populaires, et tout ce que l’ignorance et les préjugés y ont mêlé d’absurde.


4. Le Visiteur. — Vous vous appuyez, dites-vous, sur des faits ; mais on vous oppose l’opinion des savants qui les contestent, ou les expliquent autrement que vous. Pourquoi ne se sont-ils pas emparés du phénomène des tables tournantes ? S’ils y avaient vu quelque chose de sérieux, ils n’auraient eu garde, ce me semble, de négliger des faits aussi extraordinaires, et encore moins de les repousser avec dédain, tandis qu’ils sont tous contre vous. Les savants ne sont-ils pas le flambeau des nations, et leur devoir n’est-il pas de répandre la lumière ? Pourquoi voudriez-vous qu’ils l’eussent étouffée alors qu’une si belle occasion se présentait à eux de révéler au monde une force nouvelle ?


A. K. — Vous venez de tracer là le devoir des savants d’une manière admirable ; mais, avant de répondre à cette observation très judicieuse, je dois relever une erreur grave que vous avez commise en disant que tous les savants sont contre nous. Où le spiritisme a-t-il pris naissance ? Dans quelle classe se propage-t-il ? Dans quels rangs trouve-t-il des partisans ? Est-ce parmi les bonnes femmes et les gens illettrés ? Nullement. C’est précisément dans la classe éclairée qu’il fait le plus de prosélytes, et cela dans tous les pays du monde ; il en compte un grand nombre parmi les médecins de toutes les nations ; or les médecins sont des hommes de science ; les magistrats, les professeurs, les artistes, les hommes de lettres, les officiers, les hauts fonctionnaires, les grands dignitaires, les ecclésiastiques, etc., qui se rangent sous sa bannière, sont tous gens auxquels on ne peut refuser une certaine dose de lumière. Il n’y a pas de savants que dans la science officielle et dans les corps constitués.

De ce que le spiritisme n’a pas encore droit de cité dans la science officielle, est-ce un motif pour le condamner ? Si la science ne s’était jamais trompée, son opinion pourrait ici peser dans la balance ; malheureusement l’expérience prouve le contraire. N’a-t-elle pas repoussé comme des chimères une foule de découvertes qui, plus tard, ont illustré la mémoire de leurs auteurs ? N’est-ce pas à un rapport de notre premier corps savant que la France doit d’avoir été privée de l’initiative de la vapeur ? Lorsque Fulton vint au camp de Boulogne présenter son système a Napoléon Ier qui en recommande l’examen immédiat à l’institut, celui-ci n’a-t-il pas conclu que ce système était une rêverie impraticable et qu’il n’y avait pas lieu de s’en occuper ? Faut-il en conclure que les membres de l’Institut sont des ignorants ? Cela justifie-t-il les épithètes triviales, à force de mauvais goût, que certaines gens se plaisent a leur prodiguer ? Assurément non ; il n’est personne de sensé qui ne rende justice à leur éminent savoir tout en reconnaissant qu’ils ne sont pas infaillibles, et qu’ainsi leur jugement n’est pas en dernier ressort, surtout en fait d’idées nouvelles.


5. Le Visiteur. — J’admets parfaitement qu’ils ne sont pas infaillibles ; mais il n’en est pas moins vrai qu’en raison de leur savoir, leur opinion compte pour quelque chose, et que si vous les aviez pour vous, cela donnerait un grand poids à votre système.


A. K. — Vous admettrez bien aussi que chacun n’est bon juge que dans ce qui est de sa compétence. Si vous voulez bâtir une maison, prendrez-vous un musicien ? Si vous êtes malade, vous ferez-vous soigner par un architecte ? Si vous avez un procès, prendrez-vous l’avis d’un danseur ? Enfin, s’il s’agit d’une question de théologie, la ferez-vous résoudre par un chimiste ou un astronome ? Non ; chacun son métier. Les sciences vulgaires reposent sur les propriétés de la matière qu’on peut manipuler à son gré ; les phénomènes qu’elle produit ont pour agents des forces matérielles. Ceux du spiritisme ont pour agents des intelligences qui ont leur indépendance, leur libre arbitre et ne sont point soumises à nos caprices ; ils échappent ainsi à nos procédés de laboratoire et à nos calculs, et, des lors, ne sont plus du ressort de la science proprement dite. La science s’est donc fourvoyée quand elle a voulu expérimenter les Esprits comme une pile voltaïque ; elle a échoué, et cela devait être, parce qu’elle a opéré en vue d’une analogie qui n’existe pas ; puis, sans aller plus loin, elle a conclu à la négative : jugement téméraire que le temps se charge tous les jours de réformer, comme il en a réformé bien d’autres, et ceux qui l’auront prononcé en seront pour la honte de s’être inscrits trop légèrement en faux contre la puissance infinie du Créateur. Les corps savants n’ont point, et n’auront jamais à se prononcer dans la question ; elle n’est pas plus de leur ressort que celle de décréter si Dieu existe ; c’est donc une erreur de les en faire juges. Quand l’opinion publique se sera formée à cet égard, ils l’accepteront comme individus, et ils subiront la force des choses. Laissez passer une génération, et, avec elle, les préjugés de l’amour-propre qui s’entête, et vous verrez qu’il en sera du spiritisme comme de tant d’autres vérités que l’on a combattues, et qu’il serait ridicule maintenant de révoquer en doute. Aujourd’hui, ce sont les croyants qu’on traite de fous ; demain, ce sera le tour de ceux qui ne croiront pas ; absolument comme on traitait jadis de fous ceux qui croyaient que la terre tourne.

Mais tous les savants n’ont pas jugé de même, et, par savants, j’entends les hommes d’étude et de science, avec ou sans titre officiel. Beaucoup ont fait le raisonnement suivant :

« Il n’y a pas d’effet sans cause, et les effets les plus vulgaires peuvent mener sur la voie des plus grands problèmes. Si Newton eût méprisé la chute d’une pomme ; si Galvani eût rebuté sa servante en la traitant de folle et de visionnaire quand elle lui parla des grenouilles qui dansaient dans le plat, peut-être en serions-nous encore à trouver l’admirable loi de la gravitation universelle, et les fécondes propriétés de la pile. Le phénomène qu’on désigne sous le nom burlesque de danse des tables, n’est pas plus ridicule que celui de la danse des grenouilles, et il renferme peut-être aussi quelques-uns de ces secrets de la nature qui font révolution dans l’humanité quand on en a la clef. » Ils se sont dit en outre : «Puisque tant de gens s’en occupent, puisque des hommes sérieux en ont fait une étude, il faut qu’il y ait quelque chose ; une illusion, une tocade, si l’on veut, ne peut avoir ce caractère de généralité ; elle peut séduire un cercle, une coterie, mais elle ne fait pas le tour du monde. Gardons-nous donc de nier la possibilité de ce que nous ne comprenons pas, de peur de recevoir tôt ou tard un démenti qui ne ferait pas l’éloge de notre perspicacité. »


6. Le Visiteur. — Très bien ; voilà un savant qui raisonne avec sagesse et prudence, et, sans être savant, je pense comme lui ; mais remarquez qu’il n’affirme rien : il doute ; or, sur quoi baser la croyance à l’existence des Esprits, et surtout à la possibilité de communiquer avec eux ?


A. K. — Cette croyance s’appuie sur le raisonnement et sur les faits. Je ne l’ai moi-même adoptée qu’après mûr examen. Ayant puisé dans l’étude des sciences exactes l’habitude des choses positives, j’ai sondé, scruté cette science nouvelle dans ses replis les plus cachés ; j’ai voulu me rendre compte de tout, car je n’accepte une idée que lorsque j’en sais le pourquoi et le comment. Le raisonnement est précisément celui que me faisait un savant médecin jadis incrédule, et aujourd’hui adepte fervent :

« On dit que des êtres invisibles se communiquent ; et pourquoi pas ? Avant l’invention du microscope, soupçonnait-on l’existence de ces milliards d’animalcules qui causent tant de ravages dans l’économie ? Où est l’impossibilité matérielle qu’il y ait dans l’espace des êtres qui échappent à nos sens ? Aurions-nous par hasard la ridicule prétention de tout savoir et de dire à Dieu qu’il ne peut pas nous en apprendre davantage ? Si ces êtres invisibles qui nous entourent sont intelligents, pourquoi ne se communiqueraient ils pas à nous ? S’ils sont en relation avec les hommes, ils doivent jouer un rôle dans la destinée, dans les événements. Qui sait ? c’est peut-être une des puissances de la nature ; une de ces forces occultes que nous ne soupçonnons pas. Quel nouvel horizon cela ouvrirait à la pensée ! Quel vaste champ d’observation ! La découverte du monde des invisibles serait bien autre chose que celle des infiniment petits ; ce serait plus qu’une découverte, ce serait une révolution dans les idées. Quelle lumière peut en jaillir ! que de choses mystérieuses expliquées ! Ceux qui y croient sont tournés en ridicule ; mais qu’est-ce que cela prouve ? N’en a-t-il pas été de même de toutes les grandes découvertes ? Christophe Colomb n’a-t-il pas été rebuté, abreuvé de dégoûte, traité en insensé ? Ces idées, dit-on, sont si étranges qu’on ne peut pas y croire ; mais à celui qui eût dit, il y a seulement un demi-siècle, qu’en quelques minutes on correspondrait d’un bout du monde à l’autre, qu’en quelques heures on traverserait la France, qu’avec la fumée d’un peu d’eau bouillante, un navire marcherait vent debout, qu’on tirerait de l’eau les moyens de s’éclairer et de se chauffer ; qui aurait proposé d’éclairer tout Paris en un instant avec un seul réservoir d’une substance invisible, on lui aurait ri au nez. Est-ce donc une chose plus prodigieuse que l’espace soit peuplé d’êtres pensants qui, après avoir vécu sur la terre, ont quitté leur enveloppe matérielle ? Ne trouve-t-on pas dans ce fait l’explication d’une foule de croyances qui remontent à la plus haute antiquité ? de pareilles choses valent bien la peine d’être approfondies. »

Voilà les réflexions d’un savant, mais d’un savant sans prétention ; ce sont aussi celles d’une foule d’hommes éclairés ; ils ont vu, non superficiellement et d’un œil prévenu ; ils ont étudié sérieusement et sans parti pris ; ils ont eu la modestie de ne pas dire : Je ne comprends pas, donc cela n’est pas ; leur conviction s’est formée par l’observation et le raisonnement. Si ces idées eussent été des chimères, pensez-vous que tous ces hommes d’élite les eussent adoptées ? qu’ils aient pu être longtemps dupes d’une illusion ?

Il n’y a donc point impossibilité matérielle à ce qu’il existe des êtres invisibles pour nous et peuplant l’espace, et cette considération seule devrait engager à plus de circonspection. Naguère, qui eût jamais pensé qu’une goutte d’eau limpide pût renfermer des milliers d’êtres vivants d’une petitesse qui confond notre imagination ? Or, je dis qu’il était plus difficile à la raison de concevoir des êtres d’une telle ténuité, pourvus de tous nos organes et fonctionnant comme nous, que d’admettre ceux que nous nommons Esprits.


7. Le Visiteur. — Sans doute, mais de ce qu’une chose est possible, il ne s’ensuit pas qu’elle existe.


A. K. — D’accord ; mais vous conviendrez que du moment qu’elle n’est pas impossible, c’est déjà un grand point, car elle n’a plus rien qui répugne à la raison. Reste donc à la constater par l’observation des faits. Cette observation n’est pas nouvelle : l’histoire, tant sacrée que profane, prouve l’ancienneté et l’universalité de cette croyance, qui s’est perpétuée à travers toutes les vicissitudes du monde, et se retrouve chez les peuples les plus sauvages à l’état d’idées innées et intuitives, gravées dans la pensée, comme celle de l’Être-Suprême et de l’existence future. Le spiritisme n’est donc pas de création moderne, tant s’en faut ; tout prouve que les Anciens le connaissaient aussi bien, et peut-être mieux que nous ; seulement, il n’était enseigné qu’avec des précautions mystérieuses qui le rendaient inaccessible au vulgaire, laissé à dessein dans le bourbier de la superstition.

Quant aux faits, ils sont de deux natures : les uns sont spontanés et les autres provoqués. Parmi les premiers, il faut ranger les visions et apparitions, qui sont très fréquentes ; les bruits, tapages et perturbations d’objets sans cause matérielle, et une foule d’effets insolites que l’on regardait comme surnaturels, et qui aujourd’hui nous paraissent tout simples, car, pour nous, il n’y a rien de surnaturel, puisque tout rentre dans les lois immuables de la nature. Les faits provoqués sont ceux que l’on obtient par l’intermédiaire des médiums.


8. Le Visiteur. — C’est contre ces derniers que s’exerce surtout la critique. Mettons de côté toute supposition de charlatanisme, et admettons une entière bonne foi ; ne pourrait-on pas penser qu’ils sont eux-mêmes le jouet d’une hallucination ?


A. K. — Je ne sache pas qu’on ait encore clairement expliqué le mécanisme de l’hallucination. Telle qu’on l’entend, c’est pourtant un effet fort singulier et bien digne d’étude. Comment donc ceux qui prétendent rendre compte, par là, des phénomènes spirites, ne peuvent-ils expliquer leur explication ? Il est d’ailleurs des faits qui écartent cette hypothèse : quand une table ou autre objet se meut, se soulève, frappe ; quand elle se promène a volonté dans une chambre sans le contact de personne ; quand elle se détache du sol et se soutient dans l’espace sans point d’appui ; enfin, quand elle se brise en retombant, ce n’est certes pas une hallucination. En supposant que le médium, par un effet de son imagination, croie voir ce qui n’existe pas, est-il probable que toute une société soit prise du même vertige ? que cela se répète de tous côtés, dans tous les pays ? L’hallucination, dans ce cas, serait plus prodigieuse que le fait.


9. Le Visiteur. — Si tout le monde pouvait être témoin de ces faits, le doute ne serait plus permis. Comment se fait-il donc que tant de gens n’aient pu rien voir malgré leur bonne volonté ? On leur oppose, disent-ils, leur manque de foi ; à cela ils répondent avec raison qu’ils ne peuvent avoir une foi anticipée, et que si on veut qu’ils croient, il faut leur donner les moyens de croire. Ils se demandent en outre pourquoi les Esprits, qui doivent avoir à cœur de faire des prosélytes, ne se prêtent pas mieux qu’ils ne le font aux moyens de convaincre certaines personnes dont l’opinion serait d’une grande influence.


A. K. — C’est une erreur de croire que la foi soit nécessaire ; mais la bonne foi, c’est autre chose : or, il y a des sceptiques qui nient jusqu’à l’évidence, et que des prodiges ne pourraient convaincre. Il en est même qui seraient bien tachés d’être forcés de croire, parce que leur amour-propre souffrirait de convenir qu’ils se sont trompés. Que répondre à des gens qui ne voient partout qu’illusion et charlatanisme ? Rien ; il faut les laisser tranquilles et dire, tant qu’ils voudront, qu’ils n’ont rien vu, et même qu’on n’a rien pu leur faire voir. A côté de ces sceptiques endurcis, il y a ceux qui veulent voir à leur manière ; qui, s’étant fait une opinion, veulent tout y rapporter ; ils ne comprennent pas que des phénomènes ne puissent obéir à leur gré ; ils ne savent pas ou ne veulent pas se mettre dans les conditions nécessaires. Celui qui veut observer de bonne foi doit, je ne dis pas croire sur parole, mais se dépouiller de toute idée préconçues ne pas vouloir assimiler des choses incompatibles ; attendra, suivre, observer avec une patience infatigable : cette condition même est en faveur des adeptes, puisqu’elle prouve que leur conviction ne s’est pas faite à la légère.

Mais, dit-on, pourquoi les Esprits ne sont-ils pas plus empressés à montrer ce qui pourrait convaincre ? C’est qu’apparemment ils ne tiennent pas, pour le moment, à convaincre certaines personnes dont ils ne mesurent pas l’importance comme elles le font elles-mêmes. C’est peu flatteur, j’en conviens, mais nous ne commandons pas leur opinion ; les Esprits ont une manière de juger les choses qui n’est pas toujours la nôtre ; ils voient, pensent et agissent d’après d’autres éléments ; tandis que notre vue est circonscrite par la matière, bornée par le cercle étroit au milieu duquel nous nous trouvons, ils embrassent l’ensemble ; le temps, qui nous parait si long, est pour eux un instant ; la distance n’est qu’un pas ; certains détails qui nous semblent d’une importance extrême sont à leurs yeux des enfantillages ; et par contre ils jugent importantes des choses dont nous ne saisissons pas la portée. Pour les comprendre, il faut s’élever par la pensée au-dessus de notre horizon matériel et moral, et nous placer à leur point de vue ; ce n’est pas à eux de descendre jusqu’à nous, c’est à nous de monter jusqu’à eux, et c’est à quoi nous conduisent l’étude et l’observation. Les Esprits aiment les observateurs assidus et consciencieux ; pour eux ils multiplient les sources de lumière ; ce qui les éloigne, ce n’est pas le doute qui naît de l’ignorance, c’est la fatuité de ces prétendus observateurs qui n’observent rien, qui prétendent les mettre sur la sellette et les faire manœuvrer comme des marionnettes ; c’est surtout le sentiment d’hostilité et de dénigrement qu’ils apportent, sentiment qui est dans leur pensée, s’il n’est pas dans leurs paroles. Pour ceux-là les Esprits ne font rien et s’inquiètent fort peu de ce qu’ils peuvent dire ou penser, parce que leur tour viendra. C’est pourquoi j’ai dit que ce n’est pas la foi qui est nécessaire, mais la bonne foi.


10. Le Visiteur. — En admettant la réalité du phénomène des tables tournantes et frappantes, n’est-il pas plus rationnel de l’attribuer à l’action d’un fluide quelconque, du fluide magnétique, par exemple.


A. K. — Telle a été la première pensée, et je l’ai eue comme tant d’autres. Si les effets se fussent bornés à des effets matériels, nul doute qu’on pourrait les expliquer ainsi ; mais quand ces mouvements et ces coups ont donné des preuves d’intelligence ; quand on a reconnu qu’ils répondaient à la pensée avec une entière liberté, on en a tiré cette conséquence que si tout effet a une cause, tout effet intelligent a une cause intelligente. Est-ce là l’effet d’un fluide ? à moins de dire que ce fluide est intelligent. Quand vous voyez les bras du télégraphe faire des signaux qui transmettent la pensée, vous savez bien que ce ne sont pas ces bras de bois ou de fer qui sont intelligents, mais vous dites qu’une intelligence les fait mouvoir. Il en est de même de la table. Y a-t-il, oui ou non, des effets intelligents ? Là est la question. Ceux qui le contestent sont des personnes qui n’ont point tout vu et qui se hâtent de conclure d’après leurs propres idées et sur une observation superficielle.


11. Le Visiteur. — A cela on répond que s’il y a un effet intelligent, ce n’est autre chose que la propre intelligence, soit du médium, soit de l’interrogateur, soit des assistants ; car, dit-on, la réponse est toujours dans la pensée de quelqu’un.


A. K. — C’est encore là une erreur, suite d’un défaut d’observation. Si ceux qui pensent ainsi s’étaient donné la peine d’étudier le phénomène dans toutes ses phases, ils auraient à chaque pas reconnu l’indépendance absolue de l’intelligence qui se manifeste. Comment cette thèse pourrai-t-elle se concilier avec des réponses qui sont en dehors de la portée intellectuelle et de l’instruction du médium ? qui contredisent ses idées, ses désirs, ses opinions, ou qui déroutent complètement les prévisions des assistants ? de médiums qui écrivent dans une langue qu’ils ne connaissent pas, ou dans leur propre langue quand ils ne savent ni lire ni écrire ? Cette opinion, en elle-même, n’a rien d’irrationnel, j’en conviens, mais elle est démentie par des faits tellement nombreux et tellement concluants, que le doute n’est plus possible. Du reste, en admettant même cette théorie, le phénomène, loin d’être simplifié, serait bien autrement prodigieux. Eh quoi ! la pensée se réfléchirait sur une surface comme la lumière, le son, le calorique ? En vérité, il y aurait là de quoi exercer la sagacité de la science. Et puis, ce qui ajouterait encore au merveilleux, c’est que, sur vingt personnes réunies, ce serait précisément la pensée de telle ou telle qui serait réfléchie, et non la pensée de telle autre. Un pareil système est insoutenable. Il est vraiment curieux de voir les contradicteurs s’ingénier à chercher des causes cent fois plus extraordinaires et difficiles à comprendre que celles qu’on leur donne.


12. Le Visiteur. — Ne pourrait-on pas admettre, selon l’opinion de quelques-uns, que le médium est dans un état de crise et jouit d’une lucidité qui lui donne une perception somnambulique, une sorte de double vue, ce qui expliquerait l’extension momentanée des facultés intellectuelles ; car, dit-on, les communications obtenues par les médiums ne dépassent pas la portée de celles qu’on obtient par les somnambules ?


A. K. — Voilà encore un de ces systèmes prématurés, éclos à l’origine des observations spirites, qui survivent dans la pensée de quelques personnes, mais qui s’éteignent peu à peu devant un examen plus approfondi. Sans doute l’analogie de certains effets a pu donner lieu à cette méprise ; mais quiconque ne se borne pas à juger les choses par la vue d’une seule face, reconnaîtra sans peine que le médium est doué d’une faculté particulière qui ne permet pas de le confondre avec le somnambule, et la complète indépendance de sa pensée est prouvée par des faits de la dernière évidence. Abstraction faite des communications écrites, quel est le somnambule qui a jamais fait jaillir une pensée d’un corps inerte ? qui a produit des apparitions visibles et même tangibles ? qui a pu maintenir un corps grave dans l’espace sans point d’appui ? Est-ce par un effet somnambulique qu’un médium a dessiné, un jour, chez moi, en présence de vingt témoins, le portrait d’une jeune personne morte depuis dix-huit mois et qu’il n’avait jamais connue, portrait reconnu par le père présent à la séance ? Est-ce par un effet somnambulique qu’une table répond avec précision aux questions proposées, à des questions mentales même ? Assurément, si l’on admet que le médium soit dans un état magnétique, il me paraît difficile de croire que la table soit somnambule.

On dit encore que les médiums ne parlent clairement que de choses connues. Comment expliquer le fait suivant et cent autres du même genre ? Un de mes amis, très bon médium écrivain, demande à un Esprit si une personne qu’il a perdue de vue depuis quinze ans est encore de ce monde. «Oui, elle vit encore, lui est-il répondu ; elle demeure à Paris, telle rue, tel numéro. » Il va, et trouve la personne à l’adresse indiquée. Est-ce là de l’illusion ? Sa pensée pouvait d’autant moins lui suggérer cette réponse, qu’en raison de l’âge de cette personne, il y avait toute probabilité qu’elle n’existait plus. Si, dans certains cas, on a vu des réponses s’accorder avec la pensée, est-il rationnel d’en conclure que ce soit une loi générale ? En cela, comme en toute chose, les jugements précipités sont toujours dangereux, parce qu’ils peuvent être infirmés par des faits que l’on n’a pas observés.


13. Le Visiteur. — Ce sont de ces faits positifs que les incrédules voudraient voir, qu’ils demandent, et que la plupart du temps on ne peut pas leur fournir.


A. K. — La raison en est bien simple. Ils les veulent à leur commandement, et les Esprits n’obéissent pas au commandement ; il faut attendre leur bon vouloir. Il ne suffit donc pas de dire : Montrez-moi tel fait, et je croirai ; il faut avoir la volonté de la persévérance, laisser les faits se produire spontanément, sans prétendre les forcer ou les diriger ; celui que vous désirez sera peut-être précisément celui que vous n’obtiendrez pas ; mais il s’en présentera d’autres, et celui que vous voulez viendra au moment où vous vous y attendez le moins. Aux yeux de l’observateur attentif et assidu, il en surgit des masses qui se corroborent les uns les autres ; mais celui qui croit qu’il suffit de tourner une manivelle pour faire aller la machine, se trompe étrangement. Que fait le naturaliste qui veut étudier les mœurs d’un animal ? Lui commande-t-il de faire telle ou telle chose pour avoir tout loisir d’observer à son gré ? Non ; car il sait bien qu’il ne lui obéira pas ; il épie les manifestations spontanées de son instinct : il les attend et les saisit au passage. Le simple bon sens montre qu’à plus forte raison il doit en être de même des Esprits, qui sont des intelligences bien autrement indépendantes que celle des animaux.


14. Le Visiteur. — Je suppose que la chose soit constatée et le spiritisme reconnu comme une réalité ; quelle peut en être l’utilité pratique, et sa propagation ne peut-elle offrir des inconvénients ?


A. K. — La question est double ; voyons d’abord la première. Sans doute le spiritisme ne peut faire hausser ni baisser la bourse ; il ne peut être mis en action ni fournir les moyens de s’enrichir. A ce point de vue, combien de recherches scientifiques seraient inutiles ! Combien n’y en a-t-il pas qui sont sans avantage, commercialement parlant ! Pourquoi donc les savants se livrent-ils à ces recherches, et qui oserait dire qu’ils perdent leur temps ? Est-ce que tout ce qui sert à soulever un coin du voile de la nature n’aide pas au développement de l’intelligence ? N’est-ce donc rien que tout un monde nouveau qui se révèle à nous, si surtout la connaissance de ce monde nous met sur la voie d’une foule de problèmes insolubles jusqu’alors ; si elle nous initie aux mystères d’outre-tombe, qui nous intéressent bien quelque peu, puisque tous, tant que nous sommes, devons tôt ou tard franchir le pas fatal ? Mais il est une autre utilité plus positive du spiritisme, c’est l’influence morale qu’il exerce par la force même des choses. Le spiritisme est la preuve patente de l’existence de l’âme, de son  individualité après la mort, de son immortalité, de son sort à venir ; c’est la destruction du matérialisme, non par le raisonnement, mais par les faits. Ne produirait-il que cela, ce serait déjà un grand bien, car le matérialisme est une plaie sociale.


15. Le Visiteur. — La religion ne suffit-elle pas pour nous enseigner tout cela ?


A. K. — Si la religion suffit, pourquoi y a-t-il tant d’incrédules, religieusement parlant ? La religion nous l’enseigne, il est vrai ; elle nous dit de croire ; mais il y a tant de gens qui ne croient pas sur parole ! Le spiritisme prouve, et fait voir ce que la religion enseigne par la théorie.


16. Le Visiteur. — Il y a cependant bien des gens qui le regardent comme contraire à la religion, et qui le repoussent par ce motif.


A. K. — Il n’y en a pas autant que vous le croyez, et cette opinion, qui a pu naître comme tant d’autres au début, disparaît peu à peu à mesure qu’on approfondit la chose. Si le spiritisme niait l’existence de Dieu, de l’âme, de son individualité et de son immortalité, des peines et des récompenses futures, du libre arbitre de l’homme ; s’il enseignait que chacun n’est ici bas que pour soi et ne doit penser qu’à soi, il serait non-seulement contraire à la religion catholique, mais à toutes les religions du monde ; ce serait la négation de toutes les lois morales, bases des sociétés humaines. Loin delà ; les Esprits proclament un Dieu unique souverainement juste et bon ; ils disent que l’homme est libre et responsable de ses actes, rémunéré et puni selon le bien ou le mal qu’il a fait ; ils placent au-dessus de toutes les vertus la charité évangélique, et cette règle sublime enseignée par le Christ : agir envers les autres comme nous voudrions qu’on agit envers nous.  ( † ) Ne sont-ce pas là les fondements de la religion ? Ils font plus : ils nous initient aux mystères de la vie future, qui pour nous n’est plus une abstraction, mais une réalité, car ce sont ceux-mêmes que nous avons connus qui viennent nous dépeindre leur situation, nous dire comment et pourquoi ils souffrent ou sont heureux. Qu’y a-t-il là d’anti-religieux ? Cette certitude de l’avenir, de retrouver ceux que l’on a aimés, n’est-elle pas une consolation ? Ce grandiose de la vie spirite qui est notre essence, comparé aux mesquines préoccupations de la vie terrestre, n’est-il pas propre à élever notre âme, et à nous encourager au bien ?


17. Le Visiteur. — Je conviens que pour les questions générales, le spiritisme est conforme aux grandes vérités du Christianisme : mais en est-il de même au point de vue du dogme ? Ne contredit-il pas certains principes que l’Église nous enseigne ?


A. K. — Le spiritisme est avant tout une science, et ne s’occupe point des questions dogmatiques. Cette science a des conséquences morales, comme toutes les sciences philosophiques ; ces conséquences sont-elles bonnes ou mauvaises ? On en peut juger par les principes généraux que je viens de rappeler. Quelques personnes se sont méprises sur le véritable caractère du spiritisme. La question est assez grave pour mériter quelques développements.

Citons d’abord une comparaison : L’électricité étant dans la nature, a existé de tout temps, et de tout temps aussi a produit les effets que nous connaissons, et beaucoup d’autres que nous ne connaissons pas encore. Les hommes, dans l’ignorance de la cause véritable, ont expliqué ces effets d’une manière plus ou moins bizarre. La découverte de l’électricité et de ses propriétés est venue renverser une foule de théories absurdes en jetant la lumière sur plus d’un mystère de la nature. Ce que l’électricité et les sciences physiques en général ont fait pour certains phénomènes, le spiritisme le fait pour des phénomènes d’un autre ordre.

Le spiritisme est fondé sur l’existence d’un monde invisible, formé d’êtres incorporels qui peuplent l’espace, et qui ne sont autres que les âmes de ceux qui ont vécu sur la terre ou dans d’autres globes où ils ont laissé leur enveloppe matérielle. Ce sont ces êtres auxquels nous donnons le nom d’Esprits. Ces êtres qui nous entourent sans cesse exercent sur les hommes et à l’insu de ceux-ci une grande influence ; ils jouent un rôle très actif dans le monde moral, et jusqu’à un certain point dans le monde physique. Le spiritisme est donc dans la nature, et l’on peut dire que, dans un certain ordre d’idées, c’est une puissance, comme l’électricité en est une à un autre point de vue, comme la gravitation en est une autre. Les phénomènes dont le monde invisible est la source, ont donc dû se produire et se sont en effet produits dans tous les temps ; voilà pourquoi l’histoire de tous les peuples en fait mention. Seulement, dans leur ignorance, comme pour l’électricité, les hommes ont attribué ces phénomènes à des causes plus ou moins rationelles, et donné sous ce rapport un libre cours à leur imagination. Le spiritisme, mieux observé depuis qu’il est vulgarisé, vient jeter la lumière sur une foule de questions jusqu’ici insolubles ou mal comprises. Son véritable caractère est donc celui d’une science, et non d’une religion ; et la preuve en est, c’est qu’il compte parmi ses adhérents des hommes de toutes les croyances, qui n’ont point pour cela renoncé à leurs convictions : des catholiques fervents qui n’en pratiquent pas moins tous les devoirs de leur culte, des protestants de toutes les sectes, des israélites, des musulmans, et jusqu’à des boudhistes et des brahmistes. Il repose donc sur des principes indépendants de toute question dogmatique. Ses conséquences morales sont dans le sens du Christianisme, parce que le Christianisme est, de toutes les doctrines, la plus éclairée et la plus pure, et c’est pour cette raison que, de toutes les sectes religieuses du monde, les chrétiens sont les plus aptes à le comprendre dans sa véritable essence. Peut-on lui en faire un reproche ? Le spiritisme n’est donc point une religion, autrement il aurait son culte, ses temples, ses ministres. Chacun sans doute peut se faire une religion de ses opinions, interpréter à son gré les religions connues, mais de là à la constitution d’une nouvelle Église, il y a loin. [v. Le Spiritisme est-il une religion ?]


18. Le Visiteur. — Ne faites-vous pas cependant les évocations d’après une formule qui a un caractère religieux ?


A. K. — Je vous dirai d’abord, Monsieur, qu’il n’y a point de formule sacramentelle ; pour les Esprits, la pensée est tout et la forme rien. Nous les appelons au nom de Dieu, c’est vrai ; parce que nous croyons en Dieu, et savons que rien ne se fait en ce monde sans sa permission ; nous procédons à nos travaux avec calme et recueillement, parce que c’est une condition nécessaire pour les observations, et en second lieu, parce que nous connaissons le respect que l’on doit a ceux qui ne vivent plus sur la terre, quelle que soit leur condition heureuse ou malheureuse dans le monde des Esprits ; nous faisons un appel aux bons Esprits, parce que, sachant qu’il y en a de bons et de mauvais, nous tenons à ce que ces derniers ne viennent pas se mêler frauduleusement aux communications que nous recevons. Qu’est-ce que tout cela prouve ? Que nous ne sommes pas des athées, mais cela n’implique nullement que nous soyons des religionnaires.


19. Le Visiteur. — Je ne connais pas assez le spiritisme pour en raisonner à fond et ne suis qu’un écho. Il me semble pourtant, d’après ce que j’ai ouï dire, qu’il conteste certains points fondamentaux du dogme catholique, et c’est ce qui effarouche les consciences timorées.


A. K. — Je suis obligé, pour vous répondre, de reprendre les choses d’un peu plus haut.

Ce serait une erreur de croire que les Esprits, en quittant leur corps matériel, sont subitement frappés de la lumière de vérité. Leur progrès ne s’accomplit que graduellement, et quelquefois bien lentement. Dans le nombre, et cela dépend de leur épuration, il y en a qui voient les choses à un point de vue plus juste que de leur vivant ; d’autres au contraire, ont encore les mêmes passions, les mêmes préjugés et les mêmes erreurs, jusqu’à ce que le temps et de nouvelles épreuves leur aient permis de s’éclairer. Notez bien que ceci est un résultat d’expérience, car c’est ainsi qu’ils se présentent à nous dans leurs communications. C’est donc un principe élémentaire du spiritisme que, parmi les Esprits, il y en a de tous les degrés d’intelligence et de moralité : il y en a de sublimes, comme il y en a d’ignobles ; de très éclairés et de très ignorants ; de très bons et de très mauvais ; de légers, d’étourdis, de menteurs, de fourbes, d’hypocrites, de méchants ; les uns nous poussent au bien, les autres au mal ; il y a aussi parmi eux de faux savants, des philosophes, des raisonneurs, des systématiques : toutes les opinions politiques et religieuses y ont leurs représentants. En matière de dogme, catholique, juif ou mahométan, comme en toute autre chose, les uns critiqueront ce que d’autres préconiseront. Voilà pourquoi il ne faut pas croire aveuglément tout ce que disent les Esprits ; car, si l’on n’y prend garde, il y en a d’assez adroits pour faire des dupes.


20. Le Visiteur. — S’il en est ainsi, j’aperçois une immense difficulté ; dans ce conflit d’opinions diverses, comment distinguer l’erreur de la vérité ? Je ne vois pas que les Esprits nous servent à grand’chose, et ce que nous avons à gagner à la propagation du spiritisme.


A. K. — Aussi n’ai-je pas dit que ce fût une science facile, et bien présomptueux celui qui prétendrait la connaître en quelques heures, ou qui la verrait tout entière dans une table qui tourne, ou dans un médium qui écrit. Comme toutes les sciences philosophiques, elle exige de longues études et de minutieuses observations ; c’est alors qu’on apprend à distinguer la vérité de l’imposture, et les moyens d’éloigner les Esprits trompeurs. Au-dessus de cette tourbe de bas étage, il y a les Esprits supérieurs qui n’ont en vue que le bien, et qui ont pour mission de conduire les hommes dans la bonne voie ; c’est à nous de savoir les apprécier et les comprendre. Ceux-là nous apprennent de grandes choses ; mais ne croyez pas que l’étude des autres soit inutile ; pour connaître un peuple il faut le voir sous toutes ses faces.


21. Le Visiteur. — Il est bien fâcheux qu’on ne puisse s’en rapporter à tous les Esprits ; cette divergence que l’on rencontre parmi eux peut être une cause d’erreurs. Pourquoi ne sont-ils pas tous parfaits ?


A. K. — Parce que les Esprits sont les âmes des hommes, et que les hommes ne sont pas parfaits : c’est fâcheux, sans doute ; mais puisque cela est ainsi, il faut prendre la chose comme elle est, sans demander à Dieu compte de ses actes. Quel mérite aurions-nous d’ailleurs à faire le bien, s’il ne nous coûtait aucune peine ? Quant aux erreurs qui peuvent naître de la divergence d’opinion parmi les Esprits, elles disparaîtront d’elles-mêmes à mesure que l’on apprendra à distinguer les bons des mauvais, les savants des ignorants, les sincères des hypocrites, absolument comme parmi nous ; alors le bon sens fera justice des fausses doctrines.


22. Le Visiteur. — Mon observation subsiste toujours au point de vue des questions scientifiques et autres que l’on peut soumettre aux Esprits. La divergence de leurs opinions sur les théories qui divisent les savants nous laisse dans l’incertitude. Je comprends que tous n’étant pas instruits au même degré, ils ne peuvent tout savoir ; mais alors, de quel poids peut être pour nous l’opinion de ceux qui savent, si nous ne pouvons vérifier qui a tort ou raison ? Autant vaut s’adresser aux hommes qu’aux Esprits.


A. K. — Cette réflexion est encore une suite de l’ignorance du véritable caractère du spiritisme. Celui qui croit y trouver un moyen facile de tout savoir, de tout découvrir, est dans une grande erreur. Les Esprits ne sont point chargés de venir nous apporter la science toute faite ; ce serait en effet par trop commode si nous n’avions qu’à demander pour être servis, et nous épargner ainsi la peine des recherches. Dieu veut que nous travaillions, que notre pensée s’exerce : nous n’acquérons la science qu’à ce prix ; les Esprits ne viennent pas nous affranchir de cette nécessité ; ils sont ce qu’ils sont ; le spiritisme a pour objet de les étudier, afin de savoir par analogie ce que nous serons un jour, et non de nous faire connaître ce qui doit nous être caché, ou nous révéler les choses avant le temps. Les Esprits ne sont pas non plus des diseurs de bonne aventure, et quiconque se flatte d’en obtenir certains secrets se prépare d’étranges déceptions de la part des Esprits moqueurs ; en un mot, le spiritisme est une science d’observation, et non une science de divination ou de spéculation. Nous l’étudions pour connaître l’état des individualités du monde invisible, les rapports qui existent entre elles et nous, leur action occulte sur le monde visible, et non pour l’utilité matérielle que nous en pouvons tirer. A ce point de vue, il n’est aucun Esprit dont l’étude soit inutile ; nous apprenons quelque chose avec tous ; leurs imperfections, leurs défauts, leur insuffisance, leur ignorance même sont autant de sujets d’observation qui nous initient à la nature intime de ce monde ; et quand ce ne sont pas eux qui nous instruisent parleur enseignement, c’est nous qui nous instruisons en les étudiant, comme nous le faisons quand nous observons les mœurs d’un peuple que nous ne connaissons pas.

Quant aux Esprits éclairés, ils nous apprennent beaucoup, mais dans la limite des choses possibles, et il ne faut pas leur demander ce qu’ils ne peuvent pas ou ne doivent pas nous révéler ; il faut se contenter de ce qu’ils nous disent ; vouloir aller au delà, c’est s’exposer aux mystifications des Esprits légers, toujours prêts à répondre à tout l’expérience nous apprend à juger le degré de confiance que nous pouvons leur accorder.


23. Le Visiteur. — Eh bien ! que disent les Esprits supérieurs touchant la religion ? Les bons doivent nous conseiller, nous guider. Je suppose que je n’aie aucune religion : j’en veux choisir une. Si je leur demande : Me conseillez vous de me faire catholique, protestant, anglican, quaker, juif, mahométan ou mormon, que répondront-ils ?


A. K. — Il y a deux points à considérer dans les religions : les principes généraux, communs à toutes, et les principes particuliers à chacune. Les premiers sont ceux dont nous avons parlé tout à l’heure ; ceux-là, tous les Esprits les proclament, quel que soit leur rang. Quant aux seconds, les Esprits vulgaires, sans être mauvais, peuvent avoir des préférences, des opinions ; ils peuvent préconiser telle ou telle forme ; les Esprits supérieurs ne se préoccupent pas des questions de détail ; ils se bornent à dire : « Dieu est bon et juste ; il ne veut que le bien ; la meilleure de toutes les religions est donc celle qui n’enseigne que ce qui est conforme à la bonté et à la justice de Dieu ; qui donne de Dieu l’idée la plus grande, la plus sublime, et ne le rabaisse pas en lui prêtant les petitesses et les passions de l’humanité ; qui rend les hommes bons et vertueux et leur apprend à s’aimer tous comme des frères ; qui condamne tout mal fait à son prochain ; qui n’autorise l’injustice sous quelque forme ou prétexte que ce soit ; qui ne prescrit rien de contraire aux lois immuables de la nature, car Dieu ne peut se contredire ; celle dont les ministres donnent le meilleur exemple de bonté et de charité ; celle qui tend le mieux à combattre l’égoïsme et flatte le moins l’orgueil et la vanité des hommes ; celle enfin au nom de laquelle il se commet le moins de mal, car une bonne religion ne peut être le prétexte d’un mal quelconque, elle ne doit lui laisser aucune porte ouverte, ni directement, ni par l’interprétation. Voyez et jugez. »


24. Le Visiteur. — Je suppose que certains points de la doctrine catholique soient contestés par les Esprits que vous regardez comme supérieurs ; je suppose même que ces points soient erronés ; celui pour qui ils sont, à tort ou à raison, des articles de foi, qui pratique en conséquence, cette croyance peut-elle être, selon ces mêmes Esprits, préjudiciable à son salut ?


A. K. — Assurément non, si cette croyance ne le détourne pas de faire le bien, si elle l’y excite au contraire ; tandis que la croyance la mieux fondée lui nuira évidemment si elle est pour lui une occasion de faire le mal, de manquer de charité envers son prochain ; si elle le rend dur et égoïste, car alors il n’agit pas selon la loi de Dieu, et Dieu regarde la pensée avant les actes. Qui oserait soutenir le contraire ?

Pensez-vous, par exemple, qu’un homme qui croirait parfaitement en Dieu, et qui, au nom de Dieu, commettrait des actes inhumains ou contraires à la charité, sa foi lui soit très profitable ? N’est-il pas d’autant plus coupable qu’il a plus de moyens d’être éclairé ?

Les Esprits supérieurs, ceux qui ont pour mission le progrès de l’humanité, s’élèvent contre tous les abus qui peuvent retarder ce progrès de quelque nature qu’ils soient, et quels que soient les individus ou les classes de la société qui en profitent. Or, vous ne nierez pas que, la religion n’en a pas toujours été exempte ; si, parmi ses ministres, il y en a qui accomplissent leur mission avec un dévoument tout chrétien, qui la font grande, belle et respectable, vous conviendrez que tous n’ont pas toujours compris la sainteté de leur ministère. Les Esprits flétrissent le mal partout où il se trouve ; signaler les abus de la religion, est-ce l’attaquer ? Elle n’a pas de plus grands ennemis que ceux qui les défendent, car ce sont ces abus qui font naître la pensée que quelque chose de mieux peut la remplacer. Si la religion courait un danger quelconque, il faudrait s’en prendre à ceux qui en donnent une fausse idée en en faisant une arène des passions humaines, et qui l’exploitent au profit de leur ambition.


25. Le Visiteur. — Vous dites que le spiritisme ne discute pas les dogmes, et pourtant il admet certains points combattus par l’Église, tels que, par exemple, la réincarnation, la présence de l’homme sur la terre avant Adam ; il nie l’éternité des peines, l’existence des démons, le feu de l’Enfer.


A. K. — Ces points ont été discutés depuis longtemps, et ce n’est pas le spiritisme qui les a mis en question ; ce sont des opinions dont quelques-unes même sont controversées par la théologie, et que l’avenir jugera ; un grand principe les domine tous : la pratique du bien, qui est la loi supérieure, la condition sine qua non de notre avenir, ainsi que nous le prouve l’état des Esprits qui se communiquent a nous. En attendant que la lumière soit faite pour vous sur ces questions, croyez, si vous voulez, aux flammes et aux tortures matérielles, si cela peut vous empêcher de faire le mal : cela ne les rendra pas plus réelles, si elles n’existent pas ; croyez que nous n’avons qu’une existence corporelle, si cela vous plaît : cela ne vous empêchera pas de renaître ici ou ailleurs, si cela doit être, et cela, malgré vous ; croyez que le monde a été créé de toutes pièces en six fois vingt-quatre heures,  ( † ) si c’est votre opinion : cela n’empêchera pas la terre de porter écrit dans ses couches géologiques la preuve du contraire ; croyez, si vous voulez, que Josué arrêta le soleil,  ( † ) cela n’empêchera pas la terre de tourner ; croyez que l’homme n’est sur la terre que depuis 6,000 ans, cela n’empêchera pas les faits d’en montrer l’impossibilité ; et que direz-vous si, un beau jour, cette inexorable géologie vient à démontrer, par des traces patentes, l’antériorité de l’homme, comme elle a démontré tant d’autres choses ? Croyez donc à tout ce que vous voudrez, même au diable, si cette croyance peut vous rendre bon, humain et charitable pour vos semblables. Le spiritisme, comme doctrine morale, n’impose qu’une chose : la nécessité de faire le bien et de ne point faire de mal. Si c’était une religion, il formulerait un culte et un programme d’articles de foi ; c’est une science d’observation qui, je le répète, a des conséquences morales, et ces conséquences sont la confirmation et la preuve des grands principes de la religion ; quant aux questions secondaires, il les laisse à la conscience de chacun.

Remarquez bien, Monsieur, que quelques-uns des points divergents dont vous venez de parler, le spiritisme ne les conteste pas en principe ; si vous aviez lu tout ce que j’ai écrit à ce sujet, vous auriez vu qu’il se borne à leur donner une interprétation plus logique et plus rationnelle que celle qu’on leur donne vulgairement. C’est ainsi, par exemple, qu’il ne nie point le purgatoire, il en démontre au contraire la nécessité et la justice ; mais il fait plus, il le définit. L’Enfer a été décrit, il est vrai, comme une immense fournaise, mais est-ce ainsi que l’entend la haute théologie ? Évidemment non ; elle dit très bien que c’est une figure ; que le feu dont on brûle est un feu moral, symbole des plus grandes douleurs. Quant à l’éternité des peines, s’il était possible d’aller aux voix pour connaître l’opinion intime de tous les hommes en état de raisonner et de comprendre, on verrait de quel côté est la majorité, parce que l’idée d’une éternité de supplices est la négation de l’infinie miséricorde de Dieu. Le spiritisme explique l’origine de cette croyance [v. Les peines futures selon le Spiritisme] ; nous voyons les Esprits malheureux et souffrants ; mais dans le cercle étroit de leurs idées, ils ne voient pas le terme de leurs souffrances ; ils croient souffrir toujours, et c’est pour eux un châtiment. Au reste, il n’y a point de limite assignée aux angoisses des Esprits inférieurs ; la route de l’amélioration leur est ouverte, mais cette route peut être longue ; et quand ils languissent dans la peine pendant des siècles, comme nous en avons vu, il leur est bien permis de dire que c’est éternel, quand nous le disons nous-mêmes pour les maux passagers de la vie.

Les Esprits ne nient donc pas les peines futures, loin de là, puisqu’ils décrivent leurs propres souffrances ; et ce tableau nous touche plus que celui des flammes perpétuelles, parce que tout y est parfaitement logique ; on comprend que cela est possible, qu’il doit en être ainsi, que cette situation est une conséquence toute naturelle des choses ; il peut être accepté par le penseur philosophe, parce que rien n’y répugne à la raison ; voilà pourquoi les croyances spirites ont ramené au bien une foule de gens, des matérialistes même, que la crainte de l’enfer tel qu’on nous le dépeint n’avait point arrêtés.


26. Le Visiteur. — Remarquez, Monsieur, que, dans mes objections, je ne suis que l’écho de ce que j’ai entendu dire ; mais, tout en admettant votre raisonnement, ne pensez-vous pas qu’il faut au vulgaire des images plus frappantes qu’une philosophie qu’il ne peut comprendre ?


A. K. — C’est là une erreur qui a fait plus d’un matérialiste, ou tout au moins détourné plus d’un homme de la religion ; il vient un moment ou ces images ne frappent plus, et alors les gens qui n’approfondissent pas, en rejetant une partie, rejettent le tout, parce qu’ils se disent : Si l’on m’a enseigné comme une vérité incontestable un point qui est faux, si l’on m’a donné une image, une figure pour la réalité, qui me dit que le reste est plus vrai ? Si, au contraire, la raison, en grandissant, ne repousse rien, la foi se fortifie. La religion gagnera toujours a suivre le progrès des idées ; si jamais elle devait péricliter, c’est que les hommes auraient avancé, et qu’elle serait restée en arrière. Heureusement, elle compte dans ses rangs assez d’hommes éclairés pour la préserver de ce danger.


27. Le Visiteur. — La question des démons, vous le savez, est très controversée. Vous ne les admettez pas, tandis que d’autres croient au contraire que toutes les communications que vous obtenez sont leur ouvrage.


A. K. — Le spiritisme n’admet pas les démons dans le sens vulgaire du mot, mais il admet les mauvais Esprits qui ne valent pas mieux, et qui font tout autant de mal en suscitant de mauvaises pensées ; seulement il dit que ce ne sont pas des êtres à part, créés pour le mal et perpétuellement voués au mal, sorte de parias de la création et bourreaux du genre humain ; ce sont des êtres arriérés, encore imparfaits, mais auxquels Dieu réserve l’avenir. Il est en cela d’accord avec l’Église catholique grecque qui admet la conversion de Satan, allusion à l’amélioration des mauvais Esprits, et qui rejette, par conséquent, l’éternité des peines. Remarquez encore que le mot démon n’implique l’idée de mauvais Esprit que par l’acception moderne qui lui a été donnée, car le mot grec daimôn signifie génie, intelligence. Quoi qu’il en soit, on ne le prend aujourd’hui qu’en mauvaise part ; or, admettre la communication des mauvais Esprits, c’est reconnaître en principe la réalité des manifestations ; la question est de savoir si ce sont les seuls qui se communiquent. Ici nous invoquons le raisonnement et les faits. Si des Esprits, quels qu’ils soient, se communiquent, ce n’est que par la permission de Dieu ; comprendrait-on qu’il ne le permit qu’aux mauvais ? Comment ! tandis qu’il laisserait à ceux-ci toute liberté de venir tromper les hommes, il interdirait aux bons de venir faire contre-poids, de neutraliser leurs pernicieuses doctrines ? Croire qu’il en est ainsi, ne serait-ce pas révoquer en doute sa puissance et sa bonté ? La Bible, l’Évangile, les Pères de l’Église reconnaissent parfaitement la possibilité de communiquer avec le monde invisible, et de ce monde les bons ne sont pas exclus ; pourquoi donc le seraient-ils aujourd’hui ? D’ailleurs l’Église, en admettant l’authenticité de certaines apparitions et communications de saints, exclut par cela même l’idée que l’on ne peut avoir affaire qu’aux mauvais Esprits. Cette opinion est une de celles qui se sont formées au début des récentes manifestations, alors que l’observation n’avait pas encore jeté la lumière sur la nature des êtres incorporels ; les uns ont pensé que des Esprits devaient avoir la souveraine science et la souveraine sagesse : ils ont cru trop aveuglément à tout ce qui leur a été dit ; d’autres, qui n’ont rencontré sur leur chemin que la lie du monde spirite, qui n’en ont vu que les turpitudes, en ont conclu que tous les Esprits sont mauvais. Ceux qui ont tout vu savent qu’il y en a de bons et de mauvais ; or, assurément, quand des communications ne renferment que de bonnes choses, quand on n’y prêche que la morale évangélique la plus pure et la plus sublime, l’abnégation, le désintéressement et l’amour du prochain ; quand on y flétrit le mal, de quelque couleur qu’il se farde, est-il rationnel de croire que l’Esprit malin vienne ainsi faire son procès ? Cette opinion, au reste, commence à devenir ridicule, et a le sort de tous les systèmes exclusifs. Il y a d’ailleurs des gens qui ont une telle confiance dans leurs propres lumières, qu’à leurs yeux les Esprits qui les contredisent ne peuvent être que de mauvais Esprits ; c’est bien pire encore si ces Esprits attaquent les abus dont ils vivent.


28. Le Visiteur. — Je passe condamnation sur la question des démons ; je sais qu’on peut la combattre avec les armes mêmes de l’Église ; mais le système de la réincarnation me parait plus difficile à justifier ; car ce n’est autre chose que la métempsycose renouvelée de Pythagore.


A. K. — Ce n’est pas ici le moment de traiter cette question dans son entier. Je n’en dirai que deux mots. Il peut y avoir certains points de contact entre cette doctrine et celle que Pythagore avait puisée chez les Indiens et chez les Égyptiens ; mais il suffit de comparer les deux systèmes pour y voir une différence radicale. Pythagore admet la transmigration de l’âme de l’homme dans les animaux, ce qui impliquerait une dégradation ; tandis que les Esprits nous disent que l’âme progresse sans cesse, et qu’elle est un des attributs exclusifs de l’espèce humaine. Quant à la pluralité des existences corporelles, l’antiquité de cette doctrine ne saurait logiquement être invoquée contre elle ; son universalité dans les temps anciens, et l’autorité des hommes qui la professaient, sont bien plutôt des arguments en sa faveur ; or, de deux choses l’une : ou elle est, ou elle n’est pas. Si elle est, toutes les négations du monde ne l’empêcheront pas d’être. Pour nous, elle est démontrée par le raisonnement et par les faits. Abstraction faite de la révélation des Esprits, révélation faite à bien d’autres qu’à moi, on y trouve la seule solution possible d’une foule de problèmes moraux, psychologiques et anthropologiques que je mets au défi de résoudre par toute autre doctrine philosophique. Pour les faits, j’en ai de patents, de matériels que je ferai connaître un jour, et qui sont de nature à lever tous les doutes. Ceux qui la nient, c’est qu’ils ne la comprennent pas ; ils jugent à priori sur une première impression ; mais lorsqu’elle sera bien comprise et dégagée des préjugés qui la font voir sous un faux aspect, vous verrez qu’on la regardera comme l’ancre de salut que Dieu, dans sa justice, a donnée aux hommes pour racheter les fautes qui les éloignent du bonheur éternel.


29. Le Visiteur. — Comment l’homme peut-il profiter de l’expérience de ses existences antérieures, et racheter ses fautes s’il n’en a pas le souvenir ? Je concevrais que les tribulations de la vie fussent une leçon pour lui, s’il se rappelait ce qui a pu les lui attirer ; mais du moment qu’il ne s’en souvient pas, chaque existence est pour lui comme si elle était la première, et c’est ainsi toujours à recommencer. Supposez que chaque jour, en nous réveillant, nous perdions la mémoire de ce que nous avons fait la veille, nous ne serions pas plus avancés à soixante ans qu’il dix ans.


A. K. — Vous concevez, Monsieur, que cette objection n’a pas été sans se présenter à ma pensée ; or, voici la réponse des Esprits :

« A chaque existence nouvelle, l’homme a plus d’intelligence et peut mieux distinguer le bien et le mal. Lorsque l’Esprit rentre dans sa vie primitive (la vie spirite), toute sa vie passée se déroule devant lui ; il voit les fautes qu’il a commises et qui sont cause de sa souffrance, et ce qui aurait pu l’empêcher de les commettre ; il comprend que la position qui lui est donnée est juste, et cherche alors l’existence qui pourrait réparer celle qui vient de s’écouler. Il cherche des épreuves analogues à celles par lesquelles il a passé, ou les luttes qu’il croit propres à son avancement, et demande à des Esprits qui lui sont supérieurs de l’aider dans cette nouvelle tâche qu’il entreprend, car il sait que l’Esprit qui lui sera donné pour guide dans cette nouvelle existence, cherchera à lui faire réparer ses fautes en lui donnant une espèce d’intuition de celles qu’il a commises. Cette même intuition est la pensée, le désir criminel qui vous vient souvent, et auquel vous résistez instinctivement, ce que vous attribuez la plupart du temps aux principes que vous avez reçus, tandis que c’est la voix de la conscience qui vous parle, et cette voix est le souvenir du passé par laquelle vous êtes avertis de ne pas retomber dans les fautes que vous avez déjà commises. L’Esprit entré dans cette nouvelle existence, s’il subit ces épreuves avec courage et s’il résiste, s’élève et monte dans la hiérarchie des Esprits, lorsqu’il y rentre de nouveau. »

Il résulte de là que, si nous n’avons pas, pendant la vie corporelle, un souvenir précis de ce que nous avons été, et de ce que nous avons fait de bien ou de mal dans nos existences antérieures, nous en avons l’intuition, et que nos tendances instinctives sont une réminiscence de notre passé, auxquelles notre conscience, qui est le désir que nous avons conçu de ne plus commettre les mêmes fautes, nous avertit de résister.

L’Esprit cherchant des épreuves qui puissent réparer les fautes de l’existence qui vient de s’écouler, il en résulte encore que les épreuves que nous subissons ont toujours un rapport avec la cause qui a pu les motiver, et qu’ainsi, soit par l’étude des épreuves que nous subissons, soit par celles de nos tendances instinctives, nous pouvons, jusqu’à un certain point, connaître, non pas notre individualité antérieure, mais notre genre d’existence, ou tout au moins les causes qui nous ont valu notre existence présente.

Remarquez même que cet oubli de nos individualités passées est un bienfait de la Providence et une preuve de sa sagesse. Ce souvenir aurait pour nous des inconvénients très graves ; il pourrait, dans certains cas, nous humilier étrangement, ou bien aussi, exalter notre orgueil, et, par cela même, entraver notre libre arbitre. Dieu nous a donné, pour nous améliorer, juste ce qui nous est nécessaire et peut nous suffire : la voix de la conscience et nos tendances instinctives ; il nous ôte ce qui pourrait nous nuire. Ajoutons encore que si nous avions le souvenir de nos actes antérieurs personnels, nous aurions également celui des actes d’autrui, et que cette connaissance pourrait avoir les plus fâcheux effets sur les relations sociales ; n’ayant pas toujours lieu de nous glorifier de notre passé, il est souvent heureux qu’un voile soit jeté dessus. Ceci concorde parfaitement avec la doctrine des Esprits sur les mondes supérieurs au nôtre. Dans ces mondes où ne règne que le bien, le souvenir du passé n’a rien de pénible ; voilà pourquoi on s’y souvient de son existence précédente comme nous nous souvenons de ce que nous avons fait la veille. Quant au séjour qu’on a pu faire dans les mondes inférieurs, ce n’est plus qu’un mauvais rêve.


30. Le Visiteur. — Vraie ou fausse, la doctrine de la réincarnation étant contraire au dogme catholique, ne sera jamais admise par l’Église.


A. K. — Vous venez, Monsieur, de faire là, sans le vouloir sans doute, la plus grande injure qu’on puisse faire à l’Église ; dire que, vraie ou fausse, cette doctrine ne sera jamais admise par elle, n’est-ce pas l’accuser de repousser l’évidence ? Comment ! elle rejetterait obstinément une chose qui serait démontrée vraie ! Mais c’est justifier le reproche que quelques-uns lui font d’être l’ennemie des lumières ! La religion eût-elle gagné si l’Église, en raison du texte biblique, eût persisté à nier le mouvement de la terre ? Non Monsieur, l’Église n’est pas aussi antipathique au progrès que vous le supposez : elle sait très bien sacrifier la lettre à l’esprit des textes, quand il est démontré que la lettre avait été mal interprétée. Y a-t-il un texte plus précis en apparence que celui des six jours de la création’ ! Et pourtant, maintenant que la science est venue montrer ce qu’il en est de ces six jours, il n’y a plus que dans les écoles de village où l’on enseigne encore que le monde a été fait en six fois vingt-quatre heures ; que l’on prend à la lettre l’allégorie de la pomme d’Adam, le feu matériel et le pressoir sous lequel sont écrasés les damnés. Quand les faits ont eu donné raison à la science, il a bien fallu se rendre, et reconnaître, non que la Bible s’était trompée, mais qu’on l’avait mal comprise, et la religion, que l’on avait crue en péril, n’en a pas souffert ; loin de là ; elle a gagné à ne pas se roidir contre l’évidence. Il en sera de même de la réincarnation, qui n’est pas aussi contraire qu’on pourrait le croire à la doctrine chrétienne, ce dont il est facile de trouver la preuve dans les Écritures mêmes. D’ailleurs, s’il est démontré que certaines choses sont matériellement impossibles sans la réincarnation, il faudra bien admettre qu’elle est dans les lois de la nature.

Sans entrer dans le fond de la question, j’ajouterai seulement, pour ceux que l’idée de revenir sur la terre ne séduit pas, que ce n’est point une nécessité ; il est possible qu’ils y soient pour la première fois, comme il est possible qu’ils n’y reviennent jamais ; l’univers est assez grand et assez peuplé de mondes pour laisser la liberté du choix ; il dépend donc d’eux de n’y pas revivre et de s’assurer un séjour plus heureux, mais ce n’est pas en s’y attachant comme ils le font pendant leur vie.


31. Le Visiteur. — J’ai entendu quelques personnes dire ceci : Je crois à l’autorité de l’Église, et par conséquent à ce qu’elle enseigne, sans m’inquiéter si c’est ou non d’accord avec la science ; je pense que cela suffit pour mon salut et ne vais pas au delà ; je craindrais de troubler ma conscience en modifiant mes croyances ou en y ajoutant quelque chose.


A. K. — Qui est-ce qui songe à les contraindre ? Qui est-ce qui leur dit qu’elles ne peuvent faire leur salut en restant ce qu’elles sont ? — Elles ne seront jamais spirites ? Qu’est-ce que cela fait ? Au commencement des chemins de fer combien de gens disaient : Je n’y mettrai jamais les pieds ! Plus tard, quand ils ont vu que tout le monde n’y mourait pas, ils ont fait comme tout le monde.


32. Le Visiteur. — Ceux qui ne croient pas aux Esprits et à leurs manifestations, sont-ils, au dire des Esprits, moins bien partagés dans la vie future ?


A. K. — Si cette croyance était indispensable au salut des hommes, que deviendraient tous ceux qui, depuis que le monde existe, n’ont pas été à même de l’avoir, et ceux qui, de longtemps encore, mourront sans l’avoir : Dieu peut-il leur fermer la porte de l’avenir ? Non ; les Esprits qui nous instruisent sont plus logiques que cela ; ils nous disent : Dieu est souverainement juste et bon, et il n’impose pas des conditions impossibles.


33. Le Visiteur. — Alors permettez-moi de vous dire que, du moment que les Esprits n’enseignent que les principes de la morale que nous trouvons dans l’Évangile, je ne vois pas de quelle utilité peut être le spiritisme, puisque nous pouvions faire notre salut avant, et que nous pouvons le faire encore sans cela. Il n’en serait pas de même si les Esprits venaient enseigner quelques grandes vérités nouvelles, quelques-uns de ces principes qui changent la face du monde, comme a fait le Christ. Au moins le Christ était seul, sa doctrine était unique, tandis que vos Esprits sont par milliers qui se contredisent ; les uns disent blanc, les autres noir ; d’où il suit que dès le début leurs partisans forment déjà plusieurs sectes. Ne serait-il pas mieux de laisser les Esprits tranquilles, et de nous en tenir à ce que nous avons ?


A. K. — Vous êtes une preuve, Monsieur, de l’inconvénient qu’il y a de raisonner d’une chose avec quelqu’un qui ne la connaît pas. Si vous l’aviez étudiée à fond, même seulement en théorie, vous ne tiendriez pas ce langage. Je ne puis vous faire en une séance un cours complet de spiritisme, pas plus que je ne pourrais vous en faire un de physique, d’astronomie, de philosophie ou de théologie. Quand vous aurez tout vu, tout approfondi, alors nous pourrons discuter. En attendant, je relèverai sommairement quelques-unes des erreurs que vous venez d’avancer.

La première est dans la confusion que vous établissez toujours entre le spiritisme et la religion. La seconde est dans la qualification de sectes que vous donnez à quelques divergences d’opinions touchant les phénomènes spirites. Il n’est pas étonnant qu’au début d’une science, alors que pour beaucoup les observations sont encore incomplètes, il ait surgi des théories contradictoires ; mais ces théories reposent sur des points de détail et non sur le principe fondamental. Elles peuvent constituer des écoles qui envisagent la chose sous tel ou tel point de vue, qui expliquent les faits à leur manière, mais ce ne sont pas plus des sectes que les différents systèmes qui partagent nos savants sur les sciences exactes : en médecine, en physique, etc. Rayez donc ce mot de secte qui est tout à fait impropre dans le cas dont il s’agit. Mais admettons même le point de vue religieux sur lequel vous revenez sans cesse, et à tort ; est-ce que, dès l’origine, le Christianisme n’a pas donné naissance à une foule de sectes ? Pourquoi la parole du Christ n’a-t-elle pas été assez puissante pour imposer silence à toutes les controverses ? Pourquoi est-elle susceptible d’interprétations qui partagent encore aujourd’hui les Chrétiens en différentes Églises qui prétendent toutes avoir seules la vérité nécessaire au salut, se détestent cordialement et s’anathématisent au nom de leur divin maître qui n’a prêché que l’amour et la charité ? La faiblesse des hommes, direz-vous ? soit ; pourquoi voulez-vous que le spiritisme triomphe subitement de cette faiblesse et transforme l’humanité comme par enchantement ?

Je viens à la question d’utilité. Vous dites qu’il ne nous apprend rien de nouveau ; c’est une erreur : il apprend, au contraire, beaucoup à ceux qui ne s’arrêtent pas à la surface. Vous dites qu’on pourrait s’en passer et vivre fort tranquille sans cela ; d’accord ; comme on pouvait se passer d’une foule de découvertes scientifiques. Les hommes, assurément, se portaient tout aussi bien avant la découverte de toutes les nouvelles planètes, avant qu’on ne sût que c’est la terre qui tourne et non le soleil ; avant qu’on n’eût calculé les éclipses ; avant qu’on ne connût le monde microscopique et cent autres choses ; le paysan, pour vivre et faire pousser son blé, n’a pas besoin de savoir ce que c’est qu’une comète, et pourtant vous ne nierez pas que toutes ces choses étendent le cercle des idées et nous font pénétrer plus avant dans les lois de la nature. Or, le monde des Esprits est une de ces lois de la nature que le spiritisme nous fait connaître ; il nous apprend l’influence qu’il exerce sur le monde corporel ; supposons que là se borne son utilité, ne serait-ce pas déjà beaucoup que la révélation d’une pareille puissance, abstraction faite de toute doctrine morale ?

Voyons maintenant son influence morale. Admettons qu’il n’apprenne absolument rien en matière religieuse ; quel est le plus grand ennemi de la religion ? Le matérialisme, parce que le matérialiste ne croit à rien ; or, le spiritisme est la négation du matérialisme, qui n’a plus de raison d’être. Ce n’est plus par le raisonnement, par la foi aveugle qu’on dit au matérialiste que tout ne finit pas avec son corps, c’est par les faits ; on le lui montre, on le lui fait toucher au doigt et à l’œil. Est-ce là un petit service qu’il rend à l’humanité, à la religion ? Mais ce n’est pas tout : la certitude de la vie future, le tableau vivant de ceux qui nous y ont précédés, montrent la nécessité du bien, et les suites inévitables du mal. Voilà pourquoi, sans être lui-même une religion, il porte essentiellement aux idées religieuses ; il les développe chez ceux qui n’en ont pas, il les fortifie chez ceux en qui elles sont incertaines. La religion y trouve donc un appui, non pour ces gens à vues étroites qui la voient tout entière dans la doctrine du feu éternel, dans la lettre plus que dans l’esprit, mais pour ceux qui la voient selon la grandeur et la majesté de Dieu. En un mot, le spiritisme grandit et élève les idées ; il combat les abus engendrés par l’égoïsme, la cupidité, l’ambition ; mais qui oserait les défendre et s’en déclarer les champions ? S’il n’est pas indispensable au salut, il le facilite en nous affermissant dans la route du bien. Quel est, d’ailleurs, l’homme sensé qui oserait avancer qu’un défaut d’orthodoxie est plus répréhensible aux yeux de Dieu que l’athéisme et le matérialisme ? Je pose nettement les questions suivantes à tous ceux qui combattent le spiritisme sous le rapport des conséquences religieuses :

1º Quel est le plus mal partagé dans la vie future, de celui qui ne croit à rien, ou de celui qui, croyant aux vérités générales, n’admet pas certaines parties du dogme ?

2º Le protestant et le schismatique sont-ils confondus dans la même réprobation que l’athée et le matérialiste ?

3º Celui qui n’est pas orthodoxe dans la rigueur du mot, mais qui fait tout le bien qu’il peut, qui est bon et indulgent pour son prochain, loyal dans ses rapports sociaux, est-il moins assuré de son salut que celui qui croit à tout, mais qui est dur, égoïste, et manque de charité ?

4º Lequel vaut le mieux aux yeux de Dieu : la pratique des vertus chrétiennes sans celle des devoirs de l’orthodoxie, ou la pratique de ces derniers sans celle de la morale ?

Encore une fois le spiritisme est en dehors de telle ou telle croyance particulière, dont il n’a pas à se préoccuper ; il ramène aux idées religieuses générales ceux qui en étaient éloignés : l’Église qui les repousserait commettrait une imprudence, parce qu’elle pourrait les faire tourner vers celle qui leur tendrait les bras. Ceux qui s’évertuent à le faire passer pour une religion nouvelle, le font par ignorance de la chose, ou par un calcul que je puis appeler maladroit.


34. Le Visiteur. — Les abus ont des champions occultes plus dangereux que les adversaires avoués, et la preuve en est, c’est la difficulté qu’on éprouve à les déraciner. N’avez-vous pas à redouter l’influence de ceux qui sont intéressés à les maintenir ? Ne sont-ce pas pour vous personnellement des ennemis, et ne peuvent-ils étouffer le spiritisme à sa naissance, non-seulement ceux qui vivent des abus, mais ceux qui, à tort ou à raison, croient voir des inconvénients à sa propagation ?


A. K. — Pour ce qui me concerne personnellement, je vous dirai, Monsieur, que, quoique je ne sois pas riche, tant s’en faut ; que mon genre de vie puisse être regardé, par beaucoup, comme plus que modeste, je ne demande rien et n’ambitionne rien ; je me contente du peu que m’ont laissé, sans le vouloir, ceux qui m’ont dépouillé du surplus, et auxquels je pardonne : j’aime mieux ma place dans le monde des Esprits que la leur, car je ne fais de mal à personne ; je rends autant de services que je puis, et si je regrette une chose, c’est que l’exiguïté de mes ressources me limite dans le bien que je voudrais faire ; j’espère que Dieu me tiendra compte de l’intention. N’aspirant donc à rien, je ne crains pas qu’on me coupe l’herbe sous les pieds ; ne cherchant pas à m’élever, je ne crains pas de tomber. Le spiritisme n’étant pas pour moi un marchepied, sa ruine, si elle étai possible, ne m’enlèverait rien. Qu’ai-je donc à craindre de mes ennemis ? Ils me tourneront en ridicule ? Qu’est-ce que cela me fait ? Le ridicule retombe sur ceux qui rient des choses sérieuses. Ils me traiteront de fou ? Bien d’autres qui valaient cent fois mieux que moi ont été traités de même. Des persécutions ? Nous ne sommes plus au moyen âge ; d’ailleurs, on sait très bien que les persécutions sont le stimulant des idées nouvelles. Passons donc sur ce qui me concerne.

Le mauvais vouloir de quelques-uns peut-il étouffer le spiritisme ? Si c’est une chimère, il tombera de lui-même sans qu’on se donne tant de peine pour l’abattre ; si on le persécuté, c’est qu’on le craint, et l’on ne craint que ce qui est sérieux. Si c’est une réalité, il est, comme je l’ai dit, dans la nature, et on ne révoque pas une loi de nature d’un trait de plume. Si les manifestations spirites étaient le privilège d’un homme, nul doute qu’en mettant cet homme de côté, on ne mit fin aux manifestations ; malheureusement pour les adversaires, elles ne sont un mystère pour personne ; il n’y a rien de secret, rien d’occulte, tout se passe au grand jour ; elles sont à la disposition de tout le monde, et l’on en use depuis le palais jusqu’à la mansarde. On peut en interdire l’exercice public ; mais on sait précisément que ce n’est pas en public qu’elles se produisent le mieux : c’est dans l’intimité ; or, chacun pouvant être médium, qui peut empêcher une famille dans son intérieur, un individu dans le silence du cabinet, le prisonnier sous les verrous, d’avoir des communications avec les Esprits, à l’insu et à la barbe même des sbires ? Admettons pourtant qu’un gouvernement fût assez fort pour les empêcher chez lui, les empêcher a-t-il chez ses voisins, dans le monde entier, puisqu’il n’y a pas un pays dans les deux continents où il n’y ait des médiums ? On serait bien étonné si l’on savait, comme moi, jusqu’où elles ont pénétré, et quels sont les personnages qui s’en occupent sous le sceau du secret, n’osent pas encore le faire ouvertement. Mais un jour viendra, moins éloigné qu’on ne croit, où tout scrupule sera banni, et alors que diront les contradicteurs quand ils verront certains noms arborer ostensiblement le drapeau du spiritisme ? De quel côté seront les rieurs ? S’il y a délit, les vrais délinquants sont les Esprits, qui, fort heureusement pour eux, sont d’une nature peu saisissable ; et comme ce sont de véritables puissances plus à redouter qu’on ne croit, ils pourraient bien encore, comme ils l’ont déjà fait, appesantir leur bras sur ceux qui les méprisent. Si l’on savait ce qui peut en résulter de les avoir pour ennemis, on y regarderait à deux fois.


35. Le Visiteur. — Vous croyez donc que les Esprits peuvent être cause de certaines calamités ?


A. K. — Je ne le crois pas, j’en suis sûr, parce que j’en ai la preuve. Ils frappent partout, et le châtiment n’attend pas toujours la vie future : n’oubliez pas que nous sommes en purgatoire.


36. Le Visiteur. — Cependant, comment les bons Esprits peuvent-ils se prêter à faire du mal ?


A. K. — Ils n’en font pas ; ils conseillent le bien ; ils suscitent de bonnes pensées ; si on ne les écoute pas, ils laissent la tourbe des mauvais Esprits se déchaîner sur les coupables, dont les uns sont frappés dans leurs affections, d’autres déçus dans leurs espérances, humiliés dans leur orgueil, trompés dans leur ambition, victimes de leurs propres excès, sans préjudice de ce qui les attend dans l’autre monde.


37. Le Visiteur. — Je croyais que Dieu seul avait le pouvoir de punir et de récompenser ; il partage donc sa puissance avec les Esprits ?


A. K. — Dieu a fait la loi ; les Esprits l’exécutent ou la font exécuter. Ce sont les agents plus ou moins subalternes de sa puissance.


38. Le Visiteur. — Comment alors expliquer les malheurs qui atteignent souvent l’homme de bien ?


A. K. — Il me faudrait pour cela remonter à certains principes qu’il serait trop long de développer ici. Quand vous aurez étudié à fond la doctrine spirite, vous le comprendrez. Alors, Monsieur, sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, je serai tout disposé à répondre à vos questions, lorsqu’elles me prouveront que vous avez sérieusement médité.


39. Le Visiteur. — Permettez-moi pourtant encore une dernière question. Certaines personnes regardent les idées spirites comme de nature à troubler les facultés mentales, et c’est à ce titre qu’elles trouveraient prudent d’en arrêter l’essor.


A. K. — Vous connaissez le proverbe : Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il est enragé. Il n’est donc pas étonnant que les ennemis du spiritisme cherchent à s’appuyer sur tous les prétextes ; celui-là leur a paru propre à éveiller les craintes et les susceptibilités, ils l’ont saisi avec empressement ; mais il tombe devant le plus léger examen. Écoutez donc sur cette folie le raisonnement d’un fou.

Toutes les grandes préoccupations de l’esprit peuvent occasionner la folie : les sciences, les arts, la religion même fournissent leur contingent. La folie a pour principe un état pathologique du cerveau, instrument de la pensée : l’instrument étant désorganisé, la pensée est altérée. La folie est donc un effet consécutif, dont la cause première est une prédisposition organique qui rend le cerveau plus ou moins accessible à certaines impressions ; et cela est si vrai que vous avez des gens qui pensent énormément et qui ne deviennent pas fous ; d’autres qui le deviennent sous l’empire de la moindre surexcitation. Étant donnée une prédisposition à la folie, celle-ci prendra le caractère de la préoccupation principale qui devient alors une idée fixe. Cette idée fixe pourra être celle des Esprits chez celui qui s’en est occupé, comme elle pourra être celle de Dieu, des anges, du diable, de la fortune, de la puissance, d’un art, d’une science, de la maternité, d’un système politique ou social. Il est probable que le fou religieux fût devenu un fou spirite, si le spiritisme eut été sa préoccupation dominante. Un journal a dit, il est vrai, que, dans une seule localité d’Amérique, dont je ne me rappelle plus le nom, on comptait quatre mille cas de folie spirite ; mais on sait que, chez nos adversaires, c’est une idée fixe de se croire seuls doués de raison, et c’est là une manie comme une autre. A leurs yeux, nous sommes tous dignes des Petites-Maisons, et, par conséquent, les quatre mille spirites de la localité en question devaient être autant de fous. A ce compte, les États-Unis seuls en ont plusieurs millions, et tous les autres pays du monde un plus grand nombre. Cette mauvaise plaisanterie commence à s’user depuis qu’on voit cette folie gagner les rangs les plus élevés de la société. On fait grand bruit d’un exemple connu, de Victor Hennequin ; mais on oublie qu’avant de s’occuper des Esprits, il avait déjà donné des preuves d’excentricité dans les idées ; si les tables tournantes ne fussent pas venues, qui, selon un jeu de mot bien spirituel de nos adversaires, lui ont fait tourner la tète, sa folie eût pris un autre cours.

Je dis donc que le spiritisme n’a aucun privilège sous ce rapport ; mais je vais plus loin : je dis que, bien compris, c’est un préservatif contre la folie.

Parmi les causes les plus nombreuses de surexcitation cérébrale, il faut compter les déceptions, les malheurs, les affections contrariées, qui sont en même temps les causes les plus fréquentes de suicide. Or, le vrai spirite voit les choses de ce monde d’un point de vue si élevé ; elles lui paraissent si petites, si mesquines auprès de l’avenir qui l’attend ; la vie est pour lui si courte, si fugitive, que les tribulations ne sont pour lui que les incidents désagréables d’un voyage. Ce qui, chez un autre, produirait une violente émotion, l’affecte médiocrement. Il sait d’ailleurs que les chagrins de la vie sont des épreuves qui servent à son avancement s’il les subit sans murmure, parce qu’il sera récompensé selon le courage avec lequel il les aura supportées. Ses convictions lui donnent donc une résignation qui le préserve du désespoir, et par conséquent d’une cause incessante de folie et de suicide. Il sait en outre, par le spectacle que lui donnent les communications avec les Esprits, le sort de ceux qui abrègent volontairement leurs jours, et ce tableau est bien fait pour le faire réfléchir ; aussi le nombre de ceux qui ont été arrêtés sur cette pente funeste est-il considérable. C’est là un des résultats du spiritisme. Que les incrédules en rient tant qu’ils voudront ; je leur souhaite les consolations qu’il procure à tous ceux qui se sont donné la peine d’en sonder les mystérieuses profondeurs.

Au nombre des causes de folie il faut encore placer la frayeur, et celle du diable a dérangé plus d’un cerveau. Sait-on le nombre de victimes que l’on a faites en frappant de faibles imaginations avec ce tableau que l’on s’ingénie à rendre plus effrayant par de hideux détails ? Le diable, dit-on, n’effraie que les petits enfants ; c’est un frein pour les rendre sages ; oui, comme croquemitaine et le loup-garou, et quand ils n’en ont plus peur, ils sont pires qu’avant ; et pour ce beau résultat on ne compte pas le nombre des épilepsies causées par l’ébranlement d’un cerveau délicat. La religion serait bien faible si, faute de crainte, sa puissance pouvait être compromise ; heureusement il n’en est pas ainsi ; elle a d’autres moyens d’agir sur les âmes ; le spiritisme lui en fournit de plus efficaces et de plus sérieux, si elle sait les mettre à profit ; il montre la réalité des choses, et par là neutralise les funestes effets d’une crainte exagérée.


40. Le Visiteur. — Je vous demanderai encore une chose, Monsieur : c’est le point de départ des idées spirites modernes ; sont-elles le fait d’une révélation spontanée des Esprits, ou le résultat d’une croyance préalable à leur existence ? Vous comprenez l’importance de ma question ; car, dans ce dernier cas, on pourrait croire que l’imagination n’y est pas étrangère.


A. K. — Cette question, comme vous le dites, Monsieur, est importante à ce point de vue, quoiqu’il soit difficile d’admettre, en supposant que ces idées aient pris naissance dans une croyance anticipée, que l’imagination ait pu produire tous les résultats matériels observés. En effet, si le spiritisme était fondé sur la pensée préconçue de l’existence des Esprits, on pourrait, avec quelque apparence de raison, douter de sa réalité ; car si la cause est une chimère, les conséquences doivent elles-mêmes être chimériques ; mais les choses ne se sont point passées ainsi. Remarquez d’abord que cette marche serait tout à fait illogique ; les Esprits sont une cause et non un effet : quand on voit un effet, on peut en chercher la cause ; mais il n’est pas naturel d’imaginer une cause avant d’avoir vu des effets. On ne pouvait donc concevoir la pensée des Esprits si des effets ne se fussent présentés qui trouvaient leur explication probable dans l’existence d’êtres invisibles. Eh bien ! ce n’est même pas de cette manière que cette pensée est venue ; c’est-à-dire que ce n’est pas une hypothèse imaginée en vue d’expliquer certains phénomènes ; la première supposition que l’on a faite est celle d’une cause toute matérielle. Je parle des idées spirites modernes, puisque nous savons que cette croyance est aussi vieille que le monde. Voici la marche des choses.

Des phénomènes spontanés se sont produits, tels que des bruits étranges, des coups frappés, des mouvements d’objets, etc., sans cause ostensible connue, et ces phénomènes ont pu être reproduits sous l’influence de certaines personnes. Jusque là rien n’autorisent à en chercher la cause ailleurs que dans l’action d’un fluide magnétique ou tout autre dont les propriétés étaient encore inconnues. Mais on ne tarda pas à reconnaître dans ces bruits et ces mouvements un caractère intentionnel et intelligent, d’où l’on conclut, comme je l’ai déjà dit, que si tout effet a une cause, tout effet intelligent a une cause intelligente. Cette intelligence ne pouvait être dans l’objet lui-même, car la matière n’est pas intelligente. Était-ce le reflet de celle de la personne ou des personnes présentes ? On l’a d’abord pensé, comme je l’ai dit également ; l’expérience seule pouvait prononcer, et l’expérience a démontré par des preuves irrécusables, en maintes circonstances, la complète indépendance de cette intelligence. Elle était donc en dehors de l’objet et en dehors de la personne. Qui était-elle ? C’est elle-même qui a répondu ; elle a déclaré appartenir à l’ordre des êtres incorporels, désignés sous le nom d’Esprits. L’idée des Esprits n’a donc pas préexisté ; elle n’a pas même été consécutive ; en un mot elle n’est pas sortie du cerveau : elle a été donnée par les Esprits eux-mêmes, et tout ce que nous avons su depuis sur leur compte, ce sont eux qui nous l’ont appris.

Une fois l’existence des Esprits révélée et les moyens de communication établis, on put avoir des entretiens suivis et obtenir des renseignements sur la nature de ces êtres, les conditions de leur existence, leur rôle dans le monde visible. Si l’on pouvait ainsi interroger les êtres du monde des infiniment petits, que de choses curieuses n’apprendrait-on pas sur eux ! Supposons qu’avant la découverte de l’Amérique un fil électrique ait existé à travers l’Atlantique, et qu’à son extrémité européenne on eût remarqué des signes intelligents ; on aurait conclu qu’à l’autre extrémité il y avait des êtres intelligents qui cherchaient à se communiquer ; on aurait pu les questionner et ils auraient répondu ; on eût ainsi acquis la certitude de leur existence, la connaissance de leurs mœurs, de leurs habitudes, de leur manière d’être, sans les avoir jamais vus ; il en a été de même des relations avec le monde spirite ; les manifestations matérielles ont été comme des signaux, des moyens d’avertissement qui nous ont mis sur la voie de communications plus régulières et plus suivies. Et, chose remarquable, à mesure que des moyens plus faciles de communiquer sont à notre disposition, les Esprits abandonnent le moyen primitif, insuffisant et incommode, comme le muet qui recouvre la parole renonce au langage des signes.

Quels étaient les habitants de ce monde ? Étaient-ce des êtres à part, en dehors de l’humanité ? étaient-ils bons ou mauvais ? C’est encore l’expérience qui s’est chargée de résoudre ces questions ; mais jusqu’à ce que des observations nombreuses aient jeté la lumière sur ce sujet, le champ des conjectures et des systèmes était ouvert, et Dieu sait s’il en a surgi ! Les uns ont cru les Esprits supérieurs en tout, d’autres n’ont vu en eux que des démons ; c’est à leurs paroles et à leurs actes qu’on pouvait les juger. Supposons que parmi les habitants transatlantiques inconnus dont nous venons de parler, les uns aient dit de très bonnes choses, tandis que d’autres se seraient fait remarquer par le cynisme de leur langage, on eût conclu qu’il y en avait de bons et de mauvais ; c’est ce qui est arrivé pour les Esprits ; c’est ainsi qu’on a reconnu parmi eux tous les degrés de bonté et de méchanceté, d’ignorance et de savoir. Une fois bien édifié sur les défauts et les qualités qu’on rencontre chez eux, c’était à notre prudence à faire la part du bon et du mauvais, du vrai et du faux dans leurs rapports avec nous, absolument comme nous le faisons à l’égard des hommes.

L’observation ne nous a pas seulement éclairés surles qualités morales des Esprits, mais aussi sur leur nature, et sur ce que nous pourrions appeler leur état physiologique. On sut, par ces Esprits eux-mêmes, que les uns sont très heureux et les autres très malheureux ; qu’ils ne sont point des êtres à part, d’une nature exceptionnelle, mais que ce sont les âmes mêmes de ceux qui ont vécu sur la terre, où ils ont laissé leur enveloppe corporelle, qui peuplent les espaces, nous entourent et nous coudoient sans cesse, et, parmi eux, chacun a pu reconnaître, à des signes incontestables, ses parents, ses amis, et ceux qu’il a connus ici-bas, on put les suivre dans toutes les phases de leur existence doutre-tombe depuis l’instant où ils quittent leur corps, et observer leur situation selon leur genre de mort et la manière dont ils avaient vécu sur la terre. On sut enfin que ce ne sont pas des êtres abstraits, immatériels dans le sens absolu du mot ; ils ont une enveloppe, à laquelle nous donnons le nom de périsprit, sorte de corps semi-matériel, vaporeux, diaphane, invisible dans l’état normal, mais qui, dans certains cas, et par une espèce de condensation ou de disposition moléculaire, peut devenir momentanément visible et même tangible, et, dès lors, fut expliqué le phénomène des apparitions et des attouchements ; cette enveloppe existe pendant la vie du corps : c’est le lien entre l’Esprit et la matière ; à la mort du corps, l’âme, ou l’Esprit, ce qui est la même chose, ne se dépouille que de l’enveloppe grossière, elle conserve la seconde, comme lorsque nous quittons un vêtement de dessus pour ne conserver que celui de dessous ; comme le germe d’un fruit se dépouillé de l’enveloppe corticale et ne conserve que le périsperme. C’est cette enveloppe semi-matérielle de l’Esprit qui est l’agent des différents phénomènes au moyen desquels il manifeste sa présence.

Telle est, en peu de mots, Monsieur, l’histoire du spiritisme ; vous voyez, et vous le reconnaîtrez encore mieux quand vous l’aurez étudié à fond, que tout y est le résultat de l’observation et non d’un système préconçu.


41. Le Visiteur. — Vous avez parlé des moyens de communication ; pourriez-vous m’en donner une idée, car il est difficile de comprendre comment ces êtres invisibles peuvent converser avec nous ?


A. K. — Volontiers ; je le ferai brièvement toutefois, parce que cela exigerait de très longs développements que vous trouverez notamment dans l’Instruction pratique que j’ai publiée ; mais le peu que je vous en dirai suffira pour vous mettre sur la voie du mécanisme, et servira surtout à vous faire mieux comprendre quelques-unes des expériences auxquelles vous pourriez assister en attendant votre initiation complète.

L’existence de cette enveloppe semi-matérielle, ou du périsprit, est déjà une clef qui explique beaucoup de choses, et montre la possibilité de certains phénomènes. Quant aux moyens, ils sont très variés et dépendent, soit de la nature plus ou moins épurée des Esprits, soit de dispositions particulières aux personnes qui leur servent d’intermédiaires. Le plus vulgaire, celui qu’on peut dire universel, consiste dans l’intuition, c’est-à-dire dans les idées et les pensées qu’ils nous suggèrent ; mais ce moyen est trop peu appréciable dans la généralité des cas : il en est d’autres plus matériels.

Certains Esprits se communiquent par des coups frappés, répondant par oui et par non, ou désignant les lettres qui doivent former les mots. Les coups peuvent être obtenus par le mouvement de bascule d’un objet, une table, par exemple, qui frappe du pied. Souvent ils se font entendre dans la substance même des corps, sans mouvement de ceux-ci. Ce mode primitif est long et se prête difficilement à des développements d’une certaine étendue : l’écriture l’a remplacé ; on l’obtient de différentes manières. On s’est d’abord servi, et l’on se sert encore quelquefois, d’un objet mobile, comme une petite planchette, une corbeille, une boite, à laquelle on adapte un crayon dont la pointe pose sur le papier. La nature et la substance de l’objet sont indifférentes. Le médium place les mains sur cet objet auquel il transmet l’influence qu’il reçoit de l’Esprit, et le crayon trace les caractères. Mais cet objet n’est, à proprement parler, qu’un appendice de la main, une sorte de porte-crayon. On a reconnu depuis l’inutilité de cet intermédiaire, qui n’est qu’une complication de rouage, dont le seul mérite est de constater d’une manière plus matérielle l’indépendance du médium ; ce dernier peut écrire en tenant lui-même le crayon.

Les Esprits se manifestent encore et peuvent transmettre leurs pensées par des sons articulés qui retentissent soit dans le vague de l’air, soit dans l’oreille ; par la voix du médium, par la vue, par des dessins, par la musique, et par d’autres moyens qu’une étude complète fait connaître. Les médiums ont pour ces différents moyens des aptitudes spéciales qui tiennent à leur organisation ; nous avons ainsi des médiums à effets physiques, c’est-à-dire ceux qui sont aptes à produire des phénomènes matériels, comme les coups frappés, le mouvements des corps, etc. ; les médiums auditifs, parlants, voyants, dessinateurs, musiciens, écrivains. Cette dernière faculté est la plus commune, celle qui se développe le mieux par l’exercice ; c’est aussi la plus précieuse, parce que c’est celle qui permet les communications les plus suivies et les plus rapides.

Le médium écrivain présente deux variétés très-distinctes ; pour les comprendre, il faut se rendre compte de la manière dont s’opère le phénomène. L’Esprit agit quelquefois directement sur la main du médium à laquelle il donne une impulsion fébrile, tout à fait indépendante de la volonté, et sans que celui-ci ait la moindre conscience de ce qu’il écrit : c’est le médium écrivain mécanique. D’autres fois, il agit sur le cerveau ; sa pensée traverse celle du médium qui, alors, bien qu’écrivant d’une manière involontaire, a une conscience plus ou moins nette de ce qu’il écrit :c’est le médium intuitif ; son rôle est exactement celui d’un truchement qui transmet une pensée qui n’est pas la sienne, et que pourtant il doit comprendre. Quoique, dans ce cas, la pensée de l’Esprit et celle du médium se confondent quelquefois, l’expérience apprend facilement à les distinguer. On obtient des communications également bonnes par ces deux genres de médiums ; l’avantage de ceux qui sont mécaniques est surtout pour les personnes qui ne sont pas encore convaincues ; du reste, la qualité essentielle d’un médium est dans la nature des Esprits qui l’assistent et dans les communications qu’il reçoit, bien plus que dans les moyens d’exécution.

Il me reste à dire deux mots de la nature des Esprits qui se manifestent et des conditions dans lesquelles ils le font.

On peut communiquer avec les Esprits de tous les ordres, avec ses parents et ses amis, avec les Esprits les plus élevés comme avec les plus vulgaires ; mais ils viennent plus ou moins volontiers selon les circonstances, et surtout en raison de leur sympathie pour les personnes qui les appellent ; il ne leur est d’ailleurs pas toujours possible de le faire.

Les Esprits sérieux ne viennent que dans les réunions sérieuses où ils sont appelés avec recueillement et pour des motifs sérieux ; ils ne se prêtent à aucune question de curiosité, d’épreuve, ou ayant un but futile, ni à aucune expérience.

Les Esprits légers vont partout ; mais dans les réunions sérieuses, ils se taisent et se tiennent à l’écart pour écouter, comme le feraient des écoliers dans une docte assemblée. Dans les réunions frivoles, ils prennent leurs ébats, s’amusent de tout, se moquent souvent de nous, et répondent à tout sans s’inquiéter de la vérité. Ils sont quelquefois très gais, très spirituels, quoique sans profondeur, fins, mordants et satiriques.

Les Esprits dits frappeurs, et généralement tous ceux qui produisent des manifestations physiques, sont d’un ordre inférieur, sans être essentiellement mauvais pour cela ; ils ont une aptitude en quelque sorte spéciale pour les effets matériels ; les Esprits supérieurs ne s’occupent pas plus de ces choses, que nos savants de faire des tours de force ; s’ils en ont besoin, ils se servent de ces Esprits, comme nous nous servons de manœuvres pour la grosse besogne.


42. Le Visiteur. — Je connais beaucoup de personnes, et je suis de ce nombre, qui feraient volontiers un sacrifice pour être témoins de faits patents, bien convaincants ; elles disent, avec une sorte de raison, ce me semble, qu’avant de se livrer à une étude de longue haleine, elles voudraient avoir la certitude de ne pas perdre leur temps, certitude que leur donnerait un fait concluant, fût-il obtenu à prix d’argent.


A. K. — Chez celui qui ne veut pas se donner la peine d’étudier, il y a plus de curiosité que d’envie réelle de s’instruire ; or les Esprits n’aiment pas plus les curieux que je ne les aime moi-même. D’ailleurs la cupidité leur est surtout antipathique, et ils ne se prêtent à rien de ce qui peut la satisfaire ; il faudrait s’en faire une idée bien fausse pour croire qu’ils se mettent aux ordres du premier venu à tant par heure. Non, Monsieur, les communications d’outre-tombe sont une chose trop grave, et qui exige trop de respect, pour servir d’exhibition. Je ne connais personne, en France du moins, qui fasse ce métier ; et si j’en connaissais, je ne donnerais pas deux sous pour les voir ; j’aimerais mieux aller au spectacle d’un habile prestidigitateur. Il ne faut pas se dissimuler que certains phénomènes peuvent être imités : on imite des choses bien plus difficiles ; mais de ce qu’il y a du vin frelaté, il ne s’ensuit pas qu’il n’y a pas de vin pur. Les saltimbanques n’ont-ils pas, dans ces dernières années, trouvé un moyen très ingénieux de simuler la lucidité somnambulique au point de faire illusion ? En a-t-on conclu que le somnambulisme n’existe pas ? Nous savons que les phénomènes spirites ne marchent pas comme les roues d’un tournebroche ; on pourrait donc à bon droit suspecter un médium intéressé de donner le coup de pouce quand l’Esprit ne donnerait pas, parce qu’il lui faudrait, avant tout, gagner son argent. Le désintéressement absolu, en matière spirite, est donc la meilleure garantie de sincérité, abstraction faite de ce qu’il y aurait d’ignoble et de profanateur à faire venir les Esprits pour de l’argent, en supposant qu’ils y consentissent, ce qui est plus que douteux ; il n’y aurait, dans tous les cas, que des Esprits de bas étage, peu scrupuleux sur les moyens, et qui ne mériteraient aucune confiance ; et encore ceux-là mêmes se feraient un malin plaisir de déjouer les combinaisons et les calculs de leur cornac. On peut donc poser en principe que tout médium qui mettrait à prix sa faculté peut être suspecté de fraude, et que, si sa faculté existe, il ne peut être assisté par des Esprits sérieux. Par une conséquence de ce principe, toute rémunération offerte à une personne honorable serait une offense.

La garantie de sincérité n’est pas seulement dans le désintéressement, elle est aussi dans l’honorabilité soit du médium, soit des membres de la réunion, soit des chefs des maisons où se font les expériences ; on pourrait tout au plus croire qu’ils se font illusion ; mais il est telles circonstances où une suspicion de fraude volontaire serait une injure et ne pourrait être exprimée sans prouver un manque absolu de savoir-vivre. Il n’y a qu’une chose à dire à ces visiteurs mal appris, c’est de leur demander combien ils ont payé pour voir le tour, et s’ils savent combien la jonglerie rapporte à l’assemblée.


43. Le Visiteur. — Les faits étant un puissant élément de conviction, vous ne devez pas trouver étonnant le désir qu’on vous exprime d’en être témoin.


A. K. — Je le trouve très naturel ; seulement, comme je cherche à ce qu’ils profitent, j’explique dans quelles conditions il convient de se placer pour les mieux observer, et surtout pour les comprendre ; or celui qui ne veut pas se placer dans ces conditions, c’est qu’il n’y a pas chez lui envie sérieuse de s’éclairer, et alors je crois inutile de perdre son temps avec lui.

Les éléments de conviction ne sont pas les mêmes pour tout le monde ; ce qui convainc les uns ne fait aucune impression sur d’autres : c’est pourquoi il faut un peu de tout ; mais c’est une erreur de croire que les expériences physiques soient le seul moyen de convaincre ; j’en ai vu que les phénomènes les plus remarquables n’ont pu ébranler, et dont une simple réponse écrite a triomphé. Lorsqu’on voit un fait que l’on ne comprend pas, plus il est extraordinaire, plus il paraît suspect, et la pensée y cherche toujours une cause vulgaire ; si l’on s’en rend compte, on l’admet bien plus facilement, parce qu’il a une raison d’être : le merveilleux et le surnaturel disparaissent. Certes, les explications que je viens de vous donner dans cet entretien sont loin d’être complètes ; mais, toutes sommaires qu’elles sont, je suis persuadé qu’elles vous donneront à réfléchir ; et, si les circonstances vous rendent témoin de quelques faits de manifestation, vous les verrez d’un œil moins prévenu, parce que vous pourrez asseoir un raisonnement sur une base.

Il y a deux choses dans le spiritisme : la partie expérimentale des manifestations, et la doctrine philosophique ; or je suis tous les jours visités par des gens qui n’ont rien vu et qui croient aussi fermement que moi, par la seule étude qu’ils ont faite de la partie philosophique ; pour eux le phénomène des manifestations est l’accessoire : le fond, c’est la doctrine, la science ; ils la voient si grande, si rationnelle, qu’ils y trouvent tout ce qui peut satisfaire leurs aspirations intérieures, à part le fait des manifestations ; d’où ils concluent qu’en supposant que les manifestations n’existent pas, la doctrine n’en serait pas moins celle qui résout le mieux une foule de problèmes réputés insolubles. Combien m’ont dit que ces idées avaient germé dans leur cerveau, mais qu’elles y étaient confuses ; le spiritisme est venu les formuler, leur donner un corps, et il a été pour eux comme un trait de lumière : c’est ce qui explique le nombre d’adeptes qu’a faits la seule lecture du Livre des Esprits. Croyez-vous qu’il en serait ainsi si l’on ne fût pas sorti des tables tournantes et parlantes ?


44. Le Visiteur. — Vous aviez raison de dire, Monsieur, que des tables tournantes était sortie une doctrine philosophique ; et j’étais loin de soupçonner les conséquences qui pouvaient surgir d’une chose que l’on regardait comme un simple objet de curiosité. Je vois maintenant combien est vaste le champ ouvert par votre système.


A. K. — Ici je vous arrête, Monsieur ; vous me faites trop d’honneur en m’attribuant ce système, car il ne m’appartient pas. Il est tout entier déduit de l’enseignement des Esprits ; j’ai vu, observé, coordonné, et je cherche à faire comprendre aux autres ce que je comprends moi-même : voilà toute la part qui m’en revient. Il y a entre le spiritisme et les autres systèmes philosophiques cette différence capitale, que ces derniers sont tous l’œuvre d’hommes plus ou moins éclairés, tandis que dans celui que vous m’attribuez je n’ai pas le mérite de l’invention d’un seul principe. On dit : la philosophie de Platon, de Descartes, de Leibnitz ; on ne dira point : la doctrine d’Allan Kardec, et cela est heureux, car de quel poids serait un nom obscur comme le mien dans une aussi grave question ? Le spiritisme a des auxiliaires bien autrement prépondérants et auprès desquels je ne suis qu’un atome.


45. Le Visiteur. — Vous avez une société qui s’occupe de ces études ; me serait-il possible d’en faire partie ?


A. K. — Assurément non, pas pour le moment ; car si, pour être reçu, il n’est pas nécessaire d’être docteur ès-spiritisme, il faut au moins avoir sur ce sujet des idées plus arrêtées que les vôtres. Comme elle ne veut point être troublée dans ses études, elle ne peut admettre ceux qui viendraient lui faire perdre son temps par des questions élémentaires ; ni ceux, qui, ne sympathisant pas avec ses principes et ses convictions, y jetteraient le désordre par des discussions intempestives ou un esprit de contradiction. C’est une société scientifique comme tant d’autres, qui s’occupe d’approfondir les différents points de la science spirite, qui cherche à s’éclairer ; mais ce n’est pas une école, ni un cours d’enseignement élémentaire. Plus tard, quand vos convictions seront formées par l’étude, elle verra s’il y a lieu de vous admettre. En attendant, vous pourrez tout au plus y assister une ou deux fois comme auditeur, à la condition de n’y faire aucune réflexion de nature à froisser personne, sans quoi, moi, qui vous y aurais introduit, j’encourrais des reproches de la part de mes collègues et la porte vous en serait à jamais interdite. Vous y verrez une réunion d’hommes graves et de bonne compagnie, dont la plupart se recommandent par la supériorité de leur savoir et leur position sociale, et qui ne souffriraient pas que ceux qu’elle veut bien admettre s’écartassent en quoi que ce soit des convenances ; car ne croyez pas qu’elle convie le public, et qu’elle appelle le premier venu à ses séances ; comme elle ne fait point de démonstrations en vue de satisfaire la curiosité, elle écarte avec soin les curieux ; ceux donc qui croiraient y trouver une distraction et une sorte de spectacle, seraient désappointés, et feront mieux de ne pas s’y présenter. Voilà pourquoi elle refuse d’admettre, même comme simples auditeurs, ceux qu’elle ne connaît pas, ou dont les dispositions hostiles sont notoires.


46. Le Visiteur. — Ne l’a-t-on pas représentée comme une assemblée religieuse ?


A. K. — Un seul mot répond à cette petite malice de certains adversaires qui croient par là la rendre suspecte : son règlement lui interdit de s’occuper de questions religieuses. Si elle formait secte, ce serait la négation de son existence. Voilà les contradictions dans lesquelles tombent ceux qui parlent d’une chose sans la connaître. On a bien été plus loin ; ceux qui veulent à toute force que le spiritisme soit une religion nouvelle, prétendent que tous les médiums en sont les prêtres. C’est vraiment abuser du droit de plaisanter et de dire des choses ridicules.




Nous avons dit que le meilleur moyen de s’éclairer sur le spiritisme est d’en étudier au préalable la théorie ; les faits viendront ensuite naturellement, et on les comprendra, quel que soit l’ordre dans lequel ils seront amenés par les circonstances. Nos publications sont faites dans le but de favoriser cette étude ; voilà, à cet effet, l’ordre que nous conseillons. La première lecture à faire est celle de ce résumé qui présente l’ensemble et les points les plus saillants de la science ; avec cela on peut déjà s’en faire une idée et se convaincre qu’au fond il y a quelque chose de sérieux. Si ce premier aperçu donne le désir d’en savoir davantage, on lira le Livre des Esprits, où les principes sont complètement développés ; puis l’instruction pratique sur les manifestations spirites, destinée à servir de guide à ceux qui veulent opérer eux-mêmes et devenir médiums. Vient enfin la Revue spirite, qui est en quelque sorte un cours d’application par les nombreux exemples qu’elle renferme et par l’explication qu’elle donne des divers phénomènes.

Cette étude achevée, nous nous mettons à la disposition de toutes les personnes sérieuses qui nous feront l’honneur de venir conférer avec nous sur les points de détail qu’elles n’auraient pas suffisamment compris.


Allan Kardec.



[1] Dans cette DEUXIÈME VERSION de ce livre, publié en 1860, l’auteur présente Qu’est-ce que le Spiritisme sous un nouveau point de vue. Il y a une image de ce chapitre dans le service Google - Recherche de livres (Qu’est-ce que le Spiritisme.)


[2] Ces mots d’ailleurs ont aujourd’hui droit de bourgeoisie ; ils sont dans le supplément de l’édition de 1859 du Petit Dictionnaire des Dictionnaires français, extrait de Napoléon, Landais, ouvrage qui se tire à vingt mille exemplaires. On y trouve la définition et l’étymologie des mots : erraticité, médianimique, médium, médiumnité, périsprit, pneumatographie, pneumatophonie, psychographe, psychographie, psychophonie, réincarnation. sématologie, spirite, spiritisme, spiritiste, stéréotite, typtologie. Ils se trouveront prochainement dans un grand Dictionnaire complet.


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